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Une bouteille à la mer.
 MessageSujet: Une bouteille à la mer.   Une bouteille à la mer. EmptyDim 10 Juin - 14:26

Ash Tomoe
Ash Tomoe

Eagle's Claw

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Comment Ash démissionna de son rôle d'Exécutant du Conseil Magique.
Votre journée se termine au Conseil Magique quand une missive arrive au dernier moment. Intrigué, vous ouvrez la lettre et découvrez à l'intérieur quelques mots écrits d'un style assez négligé, bien qu'on pouvait discerner une petite application – non fortuite. Les premières fautes vous font penser que l'émetteur doit être un enfant, et cela est confirmé par les premières lignes :

Citation :
    Cherre Conseil Magique,

    J'écrit sette lettre pour demandé vottre haide.

Je mapele Luka, j'ai douze ans et j'ai reçu des lettres par azard disant que une feme allait mourir. Je ne sait pas qui es cette feme. Je vous supli de m'aider à la retrouvé ! Je jouoin mon adresse pour que vous veniez voir les lettre que j'ai ressu.

Malgré les fautes, le message était compréhensible : un enfant se préoccupait du sort d'autrui. L'adresse jointe indiquait un orphelinat non-loin d'Akane Resort, situé dans un parc en bordure de mer. Vous emportez la lettre chez vous, persuadé que le Conseil ne traitera pas cette affaire qui ne semble pas vraiment urgente ou sérieuse. Mais vous, vous ne pouvez vous défaire d'une image d'un enfant écrivant en toute hâte cette lettre. Un enfant qui attend votre venue. Et si c'était une blague ? Les enfants de l'orphelinat pouvaient, ensemble, faire quelques farces pour égayer leurs tristes jours, et c'était quelque chose qui apparaissait de relativement logique pour vous. Vous n'avez pas trop eu l'occasion de vous amuser, enfant, mais il vous prenait que vous rêviez de camaraderies. En voyant les enfants dans la rue, du haut de la fenêtre de votre appartement, vous vous laissiez emporter par les doux songes enfantins. On dit que la jeunesse est insouciante. Vous n'êtes pas d'accord ; votre jeunesse, et peut-être celle de ce Luka, si angoissé, n'a pas l'air d'être si insouciante. Non, si la jeunesse doit être caractérisée par quelque chose, c'est sans aucun doute par l'espoir qu'elle inspire. Les adultes placent leurs attentes dans leurs enfants. Les enfants ont les yeux ouverts vers des opportunités qu'ils ne recroiseront jamais. L'enfance est la clef à toutes les portes. C'est l'enfance qui détermine toute la vie. Elle n'est pas insouciante, non. Pour ce Luka, qu'il existe ou non, farce ou pas, vous vous décidez de partir dès la première heure vers Akane Resort le lendemain matin.

Vous prenez le train qui part vers le sud, et vous arrivez, quelques heures plus tard, au terminus de cette ligne. Akane Resort est un endroit chaleureux dont le mode de vie est placé sous le signe de l'amusement. C'est sans doute pour cette raison qu'un Orphelinat est ici situé si reculé de la civilisation. Car Akane Resort est la ville de la fête, un endroit touristique. Il n'y a pas d'attaches, car les gens, ici, viennent et repartent une fois la fête terminée. Les orphelins, eux, restent. Ils profitent, sans doute, des attractions, quelques fois dans l'année. En tout cas, la proximité avec la mer est un fait ressourçant. L'Orphelinat est une propriété longue, délimitée par un grillage haut et noir. On trouve à l'intérieur un petit regroupement de quelques arbres, puis une vaste terrain où poussent les petites fleurs de jardin. Un sentier dallé conduit du portait jusqu'à un bâtiment assez haut, d'allure assez ancienne, presque austère, mais les rayons du soleil qui se posent sur sa façade allègent un peu l'allure morbide. On pourrait deviner que derrière le bâtiment se trouve un chemin qui mène vers la plage quelques mètres plus loin. Le bruit des vagues est porté jusqu'à vous par le vent lourd et puissant. Vous marchez d'un pas décidé, mais votre silhouette parait prête à s'envoler par la tempête qui semble se lever. Vous arrivez devant une porte en bois et vous toquez.
Une vieille femme vous ouvre, l'air interrogateur. Ils devait être rare de recevoir des inconnus dans ce coin isolé. Vous vous empressez de vous présenter.

« Bonjour, je m'appelle Aston et je suis un mage Exécutant du Conseil Magique. Je viens pour m'entretenir avec un certain Luka...

_ Le petit nouveau ? Qu'est-ce qu'il a fait, pour que le Conseil envoi ses hommes ?

_ Rien de grave, ne vous inquiétez pas. Je veux juste lui poser quelques questions à propos d'un événement. J'en discuterai avec vous après ma rencontre avec lui.

_ Hum... Entrez. »

Elle se poussa pour vous inviter à pénétrer dans un somptueux hall d'une autre époque. L'Ophelinat devait être un château, ou un manoir appartenant à un duc. Il avait sans doute besoin de restauration, car certains détails semblaient en piteux état. Mais votre observation des lieux fut rapidement stoppée par la femme qui, d'un pas lourd, vous guidait vers une salle voisine. Une salle de classe, des pupitres vides, des rideaux presque rapiécés, un tableau noir mal essuyé. Les modestes conditions de l'endroit apparaissaient de plus en plus évidentes.

« Installez-vous ici s'il vous plait, j'apporte le petit Luka. Au fait, il est nouveau, ses parents sont morts il y a peu, mais j'imagine que vous devez être au courant... »

Non, vous ne l'étiez pas, mais voilà un fait intéressant à savoir. Vous vous installez au bureau de l'enseignant, couvert d'une fine monticule de poussière que vous chassez avec la manche de votre veste. Bientôt, on frappe à la porte et un petit garçon entre, le sourire aux lèvres.

« Bonjour monsieur.

_ Installez-vous, Luka.

_Vous êtes un adulte ? Les gens ici disent que les adultes peuvent tutoyer les enfants mais vous ne le faites pas.

_ Je peux te tutoyer si tu me tutoies également.

_ D'accord ! »

L'enfant s'installa à son aise de l'autre côté du bureau, une de ses jambes placée avec indélicatesse sous ses fesses pour le surélever et lui permettre de se pencher vers vous, comme à la confidence. Dans son regard pétillait une certaine lueur qui montrait un envie, un désir de quête. Il semblait impatient.

« Luka, tu as bien envoyé une lettre pour le Conseil Magique, n'est-ce pas ?

_ Oui. Tu l'as lue ?

_ Oui, hier soir, et je me suis empressé de venir. Tu indiques en effet que tu as toi-même reçu une lettre indiquant qu'une femme allait mourir... Puis-je voir cette lettre, s'il te plait ? »

Il sortit avec précipitation un bout de papier chiffonné de sa poche. Le papier était sali, l'encre avait un peu bavé, comme si la lettre avait été trempée dans une flaque d'eau. Vous la lissez devant vous et entamez votre lecture.

Citation :
Ma maman est malade. Je suis toute seule pour m’occuper d’elle. Je ne sais pas bien cuisiner. Et si elle ne se réveillait pas. J’ai peur…
Lisa, 9 ans.

« Connais-tu cette Lisa ?

_ Non, enfin je ne l'ai jamais vue, mais elle m'a déjà envoyé plusieurs lettres.

_ Tu ne la connais pas, mais elle t'envoie des lettres ?

_ Oui, enfin je veux dire, j'ai trouvé sa première lettre dans une bouteille sur la plage il y a deux mois. Je lui ai répondu en envoyant une lettre moi aussi dans une bouteille. Elle m'a renvoyé plusieurs lettre comme ça mais depuis celle-ci, je n'ai aucune nouvelle, et j'ai peur de ce qui a pu lui arriver.

_ Peux-tu me montrer les autres lettres ? »

Il sortit cette fois d'une autre poche un tas de lettres froissées. Vous les lisez, une-à-une, silencieusement. Lisa, la narratrice, évoquait une nouvelle vie qui la réjouissait, remplie de personnages qu'elle aimait tous autant les uns que les autres mais qui disparaissaient petit-à-petit de sa vie. Elle ne détaillait pas énormément si bien qu'il était difficile de savoir sa situation. Ses lettres semblaient être plus une sorte de journal intime que des écrits destinés à quelqu'un ; jamais elle ne mentionnait un quelconque récepteur. Juste, dans le dernier message, la maladie de sa mère semblait bouleverser son existence et lui procurer une virulente détresse. Les propos flous de la fillettes sonnaient trop vrais pour que la thèse de la blague fut amenée. Vous vous mettez en tête d'aider ce garçon dans sa quête de cette Lisa.

« Bien, Luka. Qu'est-ce que tu lui répondais, toi ?

_ Oh, pas grand chose... J'ai trouvé les premières bouteilles peu après mon arrivée ici, donc je lui ai expliqué ma vie à l'Ophelinat et c'est tout. »

Sa voix se brisa à la fin de sa phrase et l'éclat prometteur qui brillait dans son regard s'évapora un court instant. L'histoire de Lisa, sa relation fugitive avec l'enfant fantôme, était un fait qu'il prenait à cœur de façon si passionnée qu'il en oubliait sans doute la disparition de ses parents qui l'avait amenée ici. Vous aussi êtes émus, et vous vous contentez de lui expliquer que vous ferez tout pour retrouver la trace de cette fille en détresse.

« Écoute Luka, je veux que tu m'indiques si possible la date de chaque arrivée de bouteille. Et que tu me confies quelques-uns de ces bouteilles. Je pense que nous pouvons retrouver, ensemble, cette jeune fille. Il me faut juste ton aide et je pourrai me débrouiller.

_ D'accord monsieur ! Je vous apporte ça. »

Il s'enfuit précipitamment de la salle pour ramener ce que vous lui avez demandé. La vieille femme qui vous avait ouvert se cachait derrière la porte ; elle attendit que Luka soit parti pour s'approcher de vous.

« J'ai pas pu m'empêcher d'écouter, vous voyez. Depuis son arrivée ici, Luka ne montre pas sa tristesse alors que ses deux parents ont péris dans un accident brutal et inattendu. Je me posais quelques questions à ce propos ; pourquoi est-ce qu'il était si... distrait, si peu concerné par le quotidien ici. Il rêvait sans cesse, toujours la tête dans les nuages, mais pas de ces rêveries mélancoliques, signe de tristesse et de nostalgie. Non, il rêvait d'ailleurs. Il ne se focalisait pas sur lui, mais sur autre chose. Cette Lisa est une histoire de timbré, faut l'avouer. Mais ça l'aide à ne pas être trop triste... jusqu'à quand ? Monsieur du Conseil, vous pensez réellement être en mesure de retrouver la trace d'une... d'une bouteille ?

_ J'en doute, mais face à la volonté de ce garçon, je n'ai pas pu refuser. L'engouement de toute cette histoire le réjouit, c'est sûr. Il a cet éclat dans l’œil qui montre qu'il est prêt à tout pour sauver cette jeune inconnue. On ne sait même pas de quelle époque elle vient. Et il reste persuadé que ses propres réponses ont pu la rejoindre. Rien n'indique, dans les lettres de Lisa, qu'elle avait reçu quelque réponse. Et pourtant, il s'accroche à elle comme un dernier recours, un triste lambeaux qui l'empêche de tomber dans la tristesse mais qui manque de s'écrouler de façon imminente.

_ Qu'est-ce que vous allez faire, alors ?

_ Je ne sais toujours pas. Me renseigner sur les courants marins, sur l'origine des bouteilles, peut-être. La tâche me semble impossible. Mais je le ferai. Je ne veux pas décevoir ce garçon. Il semble avoir placé toute sa confiance en moi. Peut-être je n'aurai pas du venir. Car un jour où l'autre, je lui apporterai la vérité sur cette Lisa qui est sans doute morte. Et il sera on ne peut plus atterré par cette nouvelle, et je serai, à ses yeux, celui qui le lui annoncerait. C'est presque un fardeau, quand il n'y a plus d'espoir et que, pourtant, on ne peut se stopper au risque de blesser les gens.

_ Oui. Luka est fort, je pense. Il saura trépasser tout ceci. Peut-être... peut-être qu'il pourrait venir avec vous, si vous n'y voyez pas d'objection.

_ Comment ça ?

_ Vous pouvez l'emmener avec vous quand vous irez faire vos recherches. Il restera sage, et comme ça aura les preuves de l'avancée de sa quête en direct. Peut-être que s'il participe lui-même à sa quête, il se sentira... mieux. Oui, mieux. M'enfin, c'est à vous de voir, Monsieur du Conseil.

_ Et bien.... »

Vous fûtes interrompu par le retour de Luka, caché derrière quelques bouteilles et une bout de papier où se trouvaient les dates où il avait trouvé les bouteilles. La dame sortit de la salle mais vous saviez qu'à nouveau elle écoutait derrière la porte.

« Voilà les bouteilles ! Elles sont toutes pareil donc je ne les ai pas toutes prises. Et aussi les dates où j'ai trouvé les lettres sur la plage. Je m'y rends tous les jours donc c'est précis.

_ Merci, Luka. Je vais commencer un voyage pour savoir qui est cette Lisa, à présent, et ainsi la retrouver et... si tu le souhaites, tu pourrais venir avec moi.

_ Vraiment ?! J'adorerai, mais je n'aurais jamais l'autorisation pour quitter l'Oprhelinat.

_ Justement, j'en ai déjà discuté et c'est d'accord. Tu peux m'accompagner si tu le souhaites.

_ Oh merci beaucoup monsieur ! »

Le garçon sauta, par dessus le bureau, dans vos bras. Vous pouvez voir la porte s'ouvrir et le triste rictus de la vieille dame observer la scène, soucieuse de l'avenir du garçon, mais aussi heureuse de le voir lui-aussi heureux.

*

Vous êtes donc accompagné du jeune Luka dans votre nouveau périple. Dans une calèche malmenée par les sentiers troués par la pluie, vous vous dirigez tout deux vers Harujion où vous avez contacté un océanographe qui pourrait vous aider. Vous êtes confiant pour l'avancée de la quête, malgré les énormes risques de ne pas aboutir qu'elle contient. Peut-être est-ce à cause de la présence du garçon, plein d'entrain, qui vous met dans cet état où vous n'arrivez pas à douter de l'avenir.

« Donc, monsieur Aston, tu travailles pour le Conseil Magique depuis quand ?

_ Depuis plusieurs mois maintenant... J'ai l'impression que tout est passé vite depuis mon arrivée dans ce pays, mais en même temps, tout semble si... lent.

_ Tu n'habitais pas à Fiore avant ?

_ Non. J'habitais loin d'ici, à l'est. Dans un pays que tu ne dois même pas connaître tellement il est éloigné...

_ Et pourquoi t'es venu ici alors ?

_ Parce que... Je dois devenir fort avant de retourner dans mon pays.

_ Pourquoi ?

_ C'est la guerre, là-bas, ou presque. Ici, je m'entraine tous les jours à devenir fort. Plus tard, je pourrai retourner dans mon pays pour stopper la guerre.

_ C'est triste la guerre. Tout le monde meurt dans les batailles. Et la mort... »

Il se tut, et vous aussi. Il tourna la tête vers la fenêtre, observant le paysage au travers la vitre striée par les gouttelettes de pluie. Jusqu'à l'arrivée à Harujion, le voyage fut calme. Heureusement, la pluie cessa à votre entrée dans la ville portuaire. Vous posez alors les pieds sur les allées dallées de la ville et vous dirigerez rapidement vers le laboratoire de l'océanographe. Ce dernier vous accueillit sur le pas de sa porte et vous conduisit dans un bureau où vous vous installez tous les deux face à lui.

« Alors voilà ; ce jeune garçon, Luka, a trouvé des bouteilles qui arrivaient régulièrement, chaque semaine environ, sur la plage près d'Akane Resort. Ces bouteilles contenaient des messages assez... urgents. Il faut donc impérativement qu'on sache d'où il vienne. Vous pensez en être capable ?

_ Hum... La plage d'Akane Resort... Il y a bien un courant marin principal qui pourrait les avoir amenées ici. Oui, les lettres étaient écrites dans notre langue ? Donc elles ont été jetées soit d'un bateau dans les environs d'Harujion, soit des alentours d'Harujion même.

_ Dans les lettres de Lisa, il n'était pas question de bateau ! Elle doit donc vivre dans cette ville !

_ Surement, oui... Pourrais-je avoir un exemplaire de ces bouteilles et lettres, histoire que je voie si il y a des indices plus conséquents ? Vous pourrez repasser demain, je vous ferais un rapport détaillé ! »

Vous offrez donc les lettres et bouteilles et sortez avec Luka, fiers d'avoir si bien avancés dès ce premier jour. Vous vous rendez alors dans les rues principales de la ville pour explorer les magasins histoire d'égayer la journée de l'enfant. Le soir, vous vous installez dans un restaurant pour bien manger.

« Aston, il est bien ton travail. Quand je serai grand, je voudrais devenir comme toi. Pour aider les autres ! »

Vous l'observez, ému. Vous n'arrivez pas à trouver les mots.

Puis la situation dégénère. Un groupe d'hommes cagoulés débarquent dans le restaurant. Ils veulent l'argent de toutes les personnes présentes. Vous demandez à Luca de rester derrière vous et sortez vos pièces pour les mettre en évidence devant vous. Luka vous murmure qu'il faut passer à l'action, les stopper. Vous êtes fort, vous devez le faire. Vous dites que non, qu'il ne faut pas brusquer les choses pour que la situation ne soit plus catastrophique. Le garçon veut agir, lui, et s'empare d'un chandelier pour frapper par derrière un des malfrats. Vous sautez pour le rattraper avant qu'il ne soit trop tard. Le malfrat se retourne et tire de son arme à feu, à l'aveugle. Le sang gicle sur votre visage. Le groupe s'enfuit. Le corps du jeune garçon git inanimé sur le sol du restaurant, entouré de tous les clients dévastés par le drame. Vous êtes à ses pieds, ruisselants de larmes.

*

Tu aurais du agir, Ash. Tu aurais du lui montrer de quoi tu étais capable. Tu t'es déjà sorti de bien des situations des plus critiques. Tu aurais pu stopper ces voleurs avant qu'ils ne le tuent. Maintenant, Luka est mort. Un enfant. De ta faute.

Ton corps vacille, dans les rues nocturnes d'Harujion. Tu ne sais où aller, tu ne sais où tu vas, mais tu cours, exalté par des sentiments de haine profonde et de tristesse inconsolable. Tu te cognes dans les murs délabrés. Tu frappes de ton poing rageur le sol humide de tes larmes. Tu te rends compte que ta vie n'a aucun sens. Car tu ne peux sauver un enfant. Alors tu ne pourras sauver ton pays de la guerre. Ton destin est voué à l'échec. Tu n'es pas digne de soulever l'épée sacrée. Tu te rends sur une falaise, non-loin de la ville. Tu manques de tomber de la hauteur vertigineuse et de te fracasser sur les rochers, en bas. Tu sors l'épée sacrée de son fourreau. Tu ne la regarde même pas. Et tu la balances dans le noir abyssal de l'océan.

Tu retournes, comme soulagé, arraché d'un fardeau trop imposant, le pas las, dans la ville. Au restaurant, les serveurs se sont occupés de placer le corps inanimé dans une chambre, à l'étage. Tu expliques, à nouveau, la situation. Les autorités arrivent, et embarquent le corps. Tu tombes de désespoir dans un sommeil profond et tourmenté.

Ash, comment as-tu pu en arriver là ?

A ton réveil, tu sembles vivre en décalé. Les évènements de la veille sont encore présents devant toi, mais cependant aussi lointains que possible. Tu te décides à continuer la quête. Trouver Lisa. Pour le garçon. Que rien ne soit vain.

L'océanographe voit votre état atterré mais ne pose aucune question. Il signale juste qu'il y a un problème. Les bouteilles datent d'il y a environ un siècle, et sont aujourd'hui extrêmement rares. Lisa ne peut être qu'un fantôme du passé. Et il n'y a pas d'explication pour le fait que les bouteilles aient mit un an à parcourir le flux marin. L'histoire est un non-sens. Mais tu n'abandonnes pas.

Tu parcours les rues de la ville, éloignées du port, où le courant marin est susceptible d'avoir emporté de telles bouteilles il y a des années. A chaque passant, tu demandes s'il connait une Lisa. Pendant des heures tu te traines à trouver une réponse. Et le soir venu, une jeune femme s'arrête. Elle connait une Lisa. Sa grand-mère. Tu lui racontes la triste histoire des bouteilles. L'histoire de cette Lisa qui a du se débrouiller seule et dont sa mère est tombée malade. La jeune fille est touchée et te conduit chez elle. Sa mère est là. La fille de Lisa. Tu racontes à nouveau l'histoire, et elle acquiesce.

« Lisa était ma mère. Elle se maria avec un marin qu'elle rencontra, un matin, sur le port d'Harujion, alors qu'il revenait d'une longue odyssée. Elle fut heureuse toute sa vie, et c'est en paix avec elle-même qu'elle s'en alla l'année dernière.

_ Dans ce cas, pourquoi envoyait-elle des lettres de détresse si elle était heureuse ?

_ Son père était aussi marin, et il a disparu en pleine mer. Il y a, non-loin d'ici, sur une falaise, un vieux puits. Une légende raconte que ce puits communique avec l'autre monde. Ma mère était bercée par cette légende, et longtemps, durant son enfance, elle s'en alla, seule, à ce puits, où elle posait une bouteille avec un message dans un seau et le faisait descendre tout en bas. Elle pensait que son père, quelque part dans le monde, recevrait ces messages.

_ Mais pourquoi, si elles sont au fond d'un puits, elles sont ressorties subitement aujourd'hui, des années après ?

_ Je ne sais pas, malheureusement. »

Elles t'indiquent le chemin à suivre pour trouver le fameux puits, et tu t'y rends avec avidité. Il se situe tout en haut d'une falaise, comme prêt à plonger dans la mer. Des petites encoches sont incrustées sur les parois internes, pour permettre d'y descendre. Tu t'y attelles, et avec stupéfaction, tu vois de la lumière au bas du puits. Et une fois en bas, tu comprends.

Le puits communique directement avec l'océan. Une grille en son fond retient cependant tout ce qui peut y tomber. Avec la marée, un jour, l'eau dépasse la grille, et donc il est possible d'en récolter, mais quand la mer est basse, elle n'est pas à la hauteur de la grille, et donc le seau se cogne contre lui sans pouvoir récolter du liquide. Les bouteilles de Lisa devaient se déposer contre la grille, et restaient bloquées au fond de ce puits. Mais pourtant, on pouvait apercevoir que la grille était endommagée, récemment. De quoi permettre aux bouteilles de passer et de voguer en suivant le courant. Le mystère est résolu, vous êtes quelque peu satisfait.

Mais rien n'empêche la mort du jeune Luka. Tu te rends alors à l'Orphelinat où la vieille femme t'attend. Elle comprend la situation, ne te reproche rien, mais tu t'obstines à te rendre coupable. Tu lui expliques l'histoire finale de cette Lisa d'un autre temps, persuadée qu'elle pouvait communiquer avec son père via ce puits. La vieille femme est touchée et a une idée. Elle veut enterrer Luka près de ce puits. Pour qu'il soit proche de cette porte entre les différents mondes. Pour qu'il puisse entendre le murmure de la voix de ses parents. Tous les deux, portés par une faible brise, vous vous rendez sur la falaise au puits et vous creusez une jolie tombe pour l'enfant. Vous vous recueillez en silence puis la femme s'en va. Tu restes des heures durant. Les larmes ne coulent plus, mais l'acerbe sentiment de culpabilité reste ancré au fond de ta gorge.

*

De retour au Conseil Magique, il faut établir un rapport sur l'incident causé. Les témoins ont raconté la scène et au final, ton supérieur t'a avoué que, malgré le risque d'avoir amené un enfant avec toi sur les lieux d'une mission, tu es acquitté de toute représailles. Il voit ta tristesse et se montre compatissant.

« Vous savez, Aston, si vous voulez prendre quelques jours de repos...

_ Oui.

_ Je comprendrais, ne vous inquiétez pas, et vous pourrez revenir quand vous le souhaiterez. Une semaine sera suffisante ? Dans ce cas, je vous dis à la semaine prochaine. Portez-vous bien.

_ Non.

_ Pardon ?

_ Je ne reviendrais pas. Je ne suis pas digne d'être Exécutant du Conseil. Je démissionne. »

Devant ton supérieur qui restait bouche bée, tu poses sur la table l'insigne du Conseil et toutes tes affaires spécifiques à ta fonction avant de te lever et de disparaître.

*

Quelques jours plus tard, vous retournez à l'Orphelinat, mais pas dans le but de saluer la vieille femme. Vous contournez le bâtiment, et trouvez l'escalier qui descend vers la plage. La plage où Luka trouvait les bouteilles. Et, comme vous l'avez espéré, vous trouvez là l'épée Hiken, échouée sur la rive, que vous aviez lancée d'une falaise à Harujion. Vous l'essuyez, et vous la contemplez d'un œil vide. Vous n'êtes plus mage du Conseil, à présent. Mais cela ne vous empêche pas de toujours rechercher l'idéal de justice et de paix. Vous rangez l'épée dans son fourreau et vous vous retournez, prêt à faire mordre la poussière aux criminels responsables de la mort d'innocents.
   
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