Nos combats réglés de la manière qui nous était propre, nous pouvions passer à l'étape suivante. Black Jack m'amena vers un ascenseur que nous devions prendre pour pénétrer dans la base de ceux que nous pourchassions. Je trouvais cela risqué. Pour deux intrus, les escaliers auraient été une meilleure option, mais nous n'avions pas le choix. C'était contre mon gré que je m'enfermais avec lui dans cette cage. J'eus le temps de l'analyser rapidement jusqu'à ce qu'un écran s'allume, nous présenta le visage de celui dont nous devions nous débarrasser. D'abord surpris et dégoûté de notre apparence, il nous demandad'un ton nerveux ce que nous avions fait de ses sbires et la raison de notre venue. Il nous fallait répondre sous peine d'être écrasés tout en bas. J'examinais la porte, le plancher puis le plafond. La voix de mon complice résonna d'un écho peu rassuré dans ma tête. Il n'en tenait qu'à moi de nous sortir de ce pétrin... Vraiment?

Sans consulter du regard l'homme au crâne rouge, ma plus longue cicatrice s'alluma de cette même lueur redondante et le barbelé s'accrocha au grillage du plafond. En un tour de mains, le fil se mit à tournoyer sur lui-même dans le but de scier pour nous faire une sortie de secours. Thundra voyait bien de mon sourire mauvais et affamé que quelque chose de mauvais s'annonçait. Il nous restait encore un bon nombre d'étages à franchir avant d'être écrasés. Cet acier n'était pas le plus solide et en quelques secondes__le temps pris par Thundra pour réaliser l'objet de notre visite__mon fil barbelé n'en ferait qu'une bouchée. Le mécanisme magique s'activa et nous nous dirigions tout droit vers le gouffre de l'enfer. Le temps m'était suffisant et je résistais à la pression qui nous tirait vers le haut. D'une main je m'accrochais à mon fil et d'une autre, j'agrippai mon collègue par la taille. Le fil barbelé tenait difficilement nos poids combinés, mais en se frottant aux bordures et en nous faisant descendre en délicatesse, nous pouvions nous en sortir indemne. Nos corps passés par le toit fraîchement ouvert, je regardais la cage d'ascenseur se briser tout en bas dans une explosion de sons agressants et grinçants et l'écho du rire préenregistré de Thundra. Alors qu'il nous restait quelques mètres à franchir, le toit de l'ascenseur nous retomba sur la tête. Enfin, il accrocha l'équilibre que le fil prenait et nous glissions le long de cette grille. Mon câble s'enfonça dans un des trous et s'enroula les épines autour de mon bras pour que je tienne bon. Je tenais maintenant Jack qu'à un bras. La porte était tout près et en balançant nos corps, l'ancien Maître de Legion pouvait y accéder et l'ouvrir. Je sentais ma peau se déchirer au fur et à mesure, il fallait faire vite... Je lui montrai la porte d'un signe de tête et l'aida en me poussant d'un côté et d'un autre. Ma peau se fissurait, les plaies devenaient béantes, j'avais maintenant un bras en moins pour me battre. Une carte en moins à utiliser...

Mon coéquipier atteignait la porte comme prévu. Celle-ci fut démolie d'une force psychique. Je fus tiré en sureté. Au moins, il n'avait pas eu l'idée que de m'abandonner dans ce trou à mon propre sort. Je crois que c'était la manière dont il comptait gagner ma confiance peu à peu. C'était bien dans un sens, mais dans un autre, ça ne pouvait pas l'être vraiment. De toutes manières, j'avais scellé le pacte et je ne pouvais plus faire marche arrière même si je le désirais. Jusque-là, je me sentais plus à l'aise d'agir que si j'agissais sous les ordres de Silver Fang. Bon ou mauvais présage? Je n'en avais rien à faire de ce qu'ils pouvaient bien penser de mes agissements. Si je pouvais me sentir mieux aux côtés du diable, je préférais ceci à cela.

Les deux pieds sur terre, Black Jack me félicita d'avoir agi comme je l'avais fait. Je lui répondis d'un simple et unique sourire en coin, les yeux un peu plus brillants dans l'obscurité. Puis, l'alarme retentit, nous avions été repérés. Je regardais tout autour, mais je ne voyais pas de caméras ou de machine qui puisse nous détecter. Ils avaient donc un autre moyen de surveillance beaucoup plus sophistiqué. De toutes manières, éviter les caméras à un moment pareil ce serait ridicule. Jack me fit part de ce qu'il savait à propos de la base et la manière dont nous pourrions nous y prendre pour la faire exploser. J'acquiesçais d'un signe de tête à nouveau. L'homme déchira un tissu et me l'enroulait autour du bras. Je le regardais faire en me disant que ce qu'il avait dit plus tôt s'avérait à être totalement vrai. Nous étions fils de guerre et sur le terrain, nous devions nous surveiller mutuellement. Jamais je n'avais pensé comme cela. Silver Fang est une Guilde, mais les idéaux de tous et chacun diffèrent, ce qui nous rend très individualistes.

Nous repartions donc à la course, dans le but d'arriver rapidement à ce lacryma et la faire surchauffer. Cependant, arrivant dans un des couloirs, 3 mages nous barrèrent la route. Voyant que mon coéquipier prenait les devants, je décidais de me mettre à l'écart, surveiller ses arrières et si la situation demanderait à ce que j'agisse. Je le regardais s'engager dans le combat et je me dis que pour un homme qui a dirigé Legion, je le trouvais énormément impliqué. Je ne le voyais plus comme un individu qui se contentait d'engager des sbires pour se battre à sa place. Certes, comme tout bon stratégiste, il se devait d'avoir des pions, mais le plus important était que lui-même s'engage. Pendant qu'il se servait d'un des mages comme bouclier humain, je vis des ombres traverser le couloir plus loin... des renforts probablement. J'attendis qu'ils soient à portée, remplis de confiance avant de me charger d'eux comme un assassin. Ils n'avaient rien vu venir, leur cible était le crâne rouge, pas l'homme caché au-dessus de leur tête, dissimulé dans le noir.

Les corps s'écrasaient au sol, la colère de Jack vibra dans l'air. Je me retournai pour voir ce qui en était. Il tenait un homme au niveau du cou et serra à l'en décapiter. J'écoutais ses mots, sa souffrance, une maigre partie de son histoire personnelle. Mis à part l'histoire avec Legion, on ne savait pas vraiment d'où provenait ce démon. Peut-être que cette expédition allait me permettre de résoudre le mystère qui pèse sur cet homme. J'attendis patiemment que la colère retombe et qu'on nous permette de poursuivre. Le corps tomba durement près de ses confrères et nous pouvions poursuivre. Le chemin se faisait court. Quelques escaliers et nous étions maintenant à la salle du lacryma. Par contre, il y avait cette silhouette au centre de la pièce qui nous attendait. Le regard froid, indomptable, il nous tenait tête. Il était prêt à se plonger dans l'action, prêt à se battre pour ses hommes. Les présentations des deux légendes se firent. Le combat était imminent. Devais-je laisser l'honneur primer d'abord et laisser les deux se battre et prendre la relève quand la cloche sonnera? Non, je devais travailler en équipe. Si Black Jack ne réussirait pas à percer l'esprit du Soldat, j'aurai au moins servi à montrer ouvertement les facultés magiques de Thundra.

D'une de mes cicatrices, un museau en sortit, la tête entière, suivie du corps du chien mort-vivant. Le corps tomba puisque sa naissance était toujours un choc pour lui. L'animal se releva sur ses pattes, se secoua et s'élança sur son adversaire. Bien sûr, cela ne servait que de diversion. Pendant qu'il était occupé à éviter les crocs du chien, je m'élançais à sa poursuite, le fil barbelé armé, Jack avait maintenant le champ libre pour veiller à sa concentration. Je n'étais qu'un pion, mais je m'assumais entièrement. La mort de cet homme serait le repos éternel bien mérité de toutes ces personnes qui ont été assassinées, le repos de ces âmes encore errantes qui ne demandent qu'à avoir justice. L'âme vengeresse comprenait ce sentiment et elle ne se gênera pas pour en finir rapidement.

Je m'élançais de tout mon long vers Thundra en compagnie de mon canidé. La tactique était qu'il attaque d'abord l'homme et je profitais de l'opportunité pour lui porter une attaque subtile, efficace et déloyale. Toutefois, ce fut lorsque mon chien se fit tuer d'un coup d'une poutre qui sortit du sol que je compris que quelque chose d'étrange se produisait. Face à cette sérénité déconcertante que faisait preuve Thundra et cette pression atmosphérique pesante, il me fallait de réagir. Je sentis mon fil barbelé se tordre par lui-même et soudainement me désobéir. Je le rappelai sur-le-champ en même temps que de me faire tirer vers l'arrière par Black Jack. De cette position, une poutre sortit du sol dans le but de m'empaler vivant. J'avais eu chaud sur ce coup-là. Je remerciai l'homme au crâne rouge d'un signe de tête et attendis de trouver quelque chose par moi-même pour en finir.

Pour tenter de nous faire sombrer, l'ancien soldat nous provoquait avec de faibles paroles qui jugeaient nos actions et nos façons de penser. Si au moins elles étaient vraies, ce qu'il disait aurait eu un meilleur impact. C'était inutile que de répondre sur le même ton ou de faire des suppositions pour le provoquer. Le silence se fit jusqu'à ce que Black Jack me demanda de frapper là où ça ferait mal. D'un signe de tête approbateur, j'attendis de voir ce qu'il ferait comme illusion avant de me jeter sur notre ennemi. En fait, ce fut mon associé qui me lança de toutes ses forces vers lui pour augmenter la vitesse et la force de frappe. Alors que je ne touchais plus le sol et que ma cible était à une seconde de ma position vertigineuse, l'ancien maître de Legion perdit pied, se retrouvant plus loin dans une condition qui m'était inconnue. S'il était hors de combat, je devais me débrouiller moi-même et ne pas m'en faire...

C'est là que vous vous demandez l'endroit où je frapperai d'une telle intensité. Frapper là où ça fait mal laisse présager, au premier degré, à un endroit où tous les hommes sont sensibles. Si nous prenons le profil d'un soldat, il en aurait vécu des choses et qui sait l'état de ... vous savez quoi. Peut-être qu'en plein combat il lui serait arrivé un accident quelconque l'empêchant de les posséder encore à son âge. Reste qu'une telle option est envisageable. Et puis, les mots prononcés par Black Jack ont peut-être volé jusqu'à ses oreilles et il se tient prêt à bloquer la prochaine attaque d'une manière évidente. Mon second plan, celui que j'adoptai, fut de taper directement au foie. Cela lui coupe le souffle, est extrêmement vulnérable contre n'importe qui et quand le coup est bien placé, peut faire vomir certaines personnes. En troisième plan, il y aurait eu le coeur, mais dans une projection comme celle-ci, il est trop difficile d'accès. Tel un aigle s'écrasant sur sa proie, je décochai un coup de pied vers l'organe le moins apprécié du corps humain.

L'attaque atteignit la cible dans toute sa lancée, la combinaison, malgré que foireuse vers la fin, fut un succès. Notre adversaire poussa une plainte, sentant ses côtes se tordre méchamment et le foie se compresser. Il tituba pour éviter le reste de ma combinaison et ses mains s'illuminèrent à nouveau, signe que d'autres poutres allaient nous tomber sur la tête. Je pouvais les entendre et les sentir vibrer jusqu'à leur prochaine destination, me permettant de les esquiver habilement comme n'importe quel gymnaste. J'avais un peu de difficulté avec mon équilibre lorsque je devais me tenir à un bras, mais je crus à ma réussite. Quelle erreur. L'expérience de l'homme et l'environnement qui nous entourait lui donnaient un gros avantage. L'accumulation des poutres, le manque d'espace m'empêchait d'être à ma guise. Je courais dans une direction, me prenant de justesse quelques poutres au corps, mais je réussis à atteindre Thundra. L'engagement au corps à corps se fit et je faisais en sorte de viser son foie à nouveau de coups de poings et de coups de pieds. Puis, pour voir si ma théorie avait été bonne, je lui donnai un coup de pied dans les clochettes. Je ne connaissais pas sa réaction, mais je sentais la douleur le ronger même s'il conservait cet air froid et dur. Qu'en était-il de Black Jack? Allait-il se relever? Je l'espérais, j'étais moi aussi limité et bientôt, j'allais commettre des erreurs irréparables et impardonnables.

Une seconde erreur était que de croire qu'il succomberait à la douleur de son foie. Mon combat contre lui semblait le renforcer, lui donner plus confiance en lui-même. Il était fort, expérimenté et plein de ressources. Nous étions deux et contre une telle prestance, notre magie souffrait. La fatigue m'écrasait lentement, il me fallait prendre du recul dans ce combat. Du coin de l'oeil, je vis les pierres bouger et une poutre tomber. Était-ce la fin de l'homme? Je sautai par en arrière, entre deux poutres croisées et repris mon souffle. Thundra en profita pour ériger un nouveau discours. Il nous répéta que nous ne comprenions pas ses motifs... nous ne comprendrons probablement jamais puisque nous n'avons pas été à sa place. Pourquoi tenait-il tant à se répéter? Il révéla la «véritable» identité de Black Jack comme étant Jack Blackwood. Et alors? Un nom reste un nom et je n'en avais rien à faire. Il m'alerta en me disant qu'il avait trahi ses anciens camarades. Quel méchant ne l'a pas fait? Pour ne pas être sa prochaine victime, il voulait m'anéantir... Mes yeux s'illuminaient d'une colère noire...

Une sorte d'armure impénétrable se forgea au corps de notre adversaire. Un silence pesa alors que je pensais à ma prochaine action. Comment traverser une telle armure si mes armes ont la possibilité d'être contrôlées par le soldat? Il me fallait examiner cela de près. Les décombres qui recouvraient la carcasse de Black Jack bougèrent et une lueur les balaya de son passage. Mon allié en sortit, les yeux transpercés de cette présence inhumaine. Qui était donc cet homme? Était-il un être humain ou cette chose qui le possédait faisait part entière dans ce corps cramoisi? Il poursuivait les explications plutôt vagues mais efficaces de sa situation. Le combat s'engagea entre les deux hommes et un seul coup de la part du démon avait atteint Thundra. Il s'était pris quelques coups de lames qui faisaient jaillir encore plus de sang qu'il avait déjà perdu jusqu'à maintenant. À ce rythme, il ne tiendrait pas longtemps. Mon partenaire me dit qu'il nous fallait un plan pour percer cette fameuse armure. Mes yeux transperçaient les siens d'un signe évident que j'accompagnai en pointant ma tête avec mes doigts. Établir un plan que l'ennemi ignore était meilleur que lui révéler ouvertement. J'espérais qu'il comprenne ce que je voulais dire:

Je le contaminerai d'un venin paralysant. D'ici là, il faudra accélérer son rythme cardiaque pour permettre au venin de circuler rapidement. Quand l'effet prendra, j'estime qu'une minute nous sera donnée pour lui asséner un maximum de coups...

Je goûtais cette saveur indescriptible couler entre mes dents et parcourir ma langue. J'étais prêt. Je changeai de cible à regarder et plongeai sur Thundra qui m'attendait avec sa lame armée, prête à me découper comme bon lui semblerait. La froide lame s'appuya sur ma peau et la trancha vulgairement au niveau du ventre. De l'angle dont je m'étais élancé, j'avais évité le pire, mais le sang lui, ne s'empêchait pas de quitter mon corps dans un flot régulier. Cette manoeuvre m'avait permis de me rapprocher de Thundra, d'être à portée pour mon assaut. Ma main pénétra la mince fissure... juste assez grande pour que mes ongles éraflent la chaire de notre adversaire. C'était minime, mais j'avais vidé tout le venin d'un coup. La faible blessure causée et l'injection rapide de la substance nécessiterait à Thundra de bouger pendant plus de trois minutes de façon plus ou moins intense... Il transforma son second bras en poutre et me l'écrasa contre mes côtes pour se venger de son foie. J'atterris directement dans le mur, sonné quelques secondes, engourdi un peu plus longtemps. Je voyais trouble, puis je repris le sens de mes moyens. Mes blessures ne me faisaient pas souffrir, mais tôt ou tard, je deviendrai encore plus blême que je ne l'étais déjà parce que j'aurai perdu trop de sang. Je ne pouvais pas m'empêcher de combattre cet homme, je ne pouvais pas stopper la vengeance d'être. Je m'élançais à sa poursuite en évitant tous les coups qu'il pouvait donner avec difficulté. Le moment sera bientôt venu pour nous de le matraquer jusqu'à ce que son armure rende l'âme... puis viendra son tour...

Il arriva sournoisement par derrière. Thundra avait perdu la carte, il était enragé, seulement enragé. Il voulait se venger aveuglément. L'homme au crâne rouge et moi-même le matraquions de coups, faisant craquer la carcasse de métal de toutes parts. Il n'en arrivait plus à bouger tellement qu'il bougeait d'un côté ou de l'autre contre son gré. L'armure céda, fonda en morceaux pour tomber aux pieds de celui-ci. Mon coéquipier termina le travail en transperçant le coeur de l'homme, lui aussi poussé dans une rage inexpliquée. Il s'écroula parterre. Je posai un genou au sol, fatigué, à bout de force, ne pouvant plus poursuivre une telle cadence. Nous avions réussi et nous devions partir. Nous le faisions, moi à bout de souffle et mon compagnon, blessé à sa façon. À l'extérieur, il me proposa de me joindre à lui. Il voulait former une sorte de groupe où ma magie pourrait lui être utile. Je lui dis que j'avais quelque chose à faire avant de me joindre à lui, mais que j'allais le faire. Il hocha la tête et nous partîmes chacun de notre côté. On déposa discrètement une poche de jewels dans mon manteau. Je n'avais pu cerner l'odeur, y en avait-il seulement eu?