La neige... cela faisait longtemps que je n'en avais pas vu. Je me demandais encore pourquoi dans ma jeunesse, je tentais sans arrêt d'en faire mes collations occasionnelles. Après tout, ces morceaux de coton blancs ne sont que de l'eau. Cependant, la forme prise par l'eau avait un goût différent, un goût rafraîchissant et agréable. Un flocon sur la peau et un frisson nous parcourt le système nerveux à une vitesse incalculable. Je souris. Je m'ennuyais de ces diverses sensations. J'avais envie de paraître vivant, de me sentir vivant. Sous mon marbre, je n'arrivais pas à ressentir le moindre toucher et cela me dégoûtait. Maintenant que je pouvais me permettre d'avoir les nerfs à vif, je pouvais savourer chaque moment, chaque parcelle de nature qui s'offrait à moi. À bord du train, je savourais la douceur du siège, le confort de celui-ci. Les gens pouvaient penser ce qu'ils voulaient, mais j'étais heureux, ravi de voir que la vie m'offrait une seconde chance. Ma main alla s'aplatir délicatement contre la fenêtre. La douceur n'était pas la même. C'est pourquoi on disait qu'une fenêtre est lisse et que de la laine c'est doux. Je faisais lentement les distinctions.

Arrivé à Shirotsume, je me mis à l'écart pour prendre la neige au creux de ma main. Celle-ci se mit à fondre. Je souriais encore plus à moi-même. Le sang circulait à merveille à travers mes veines, réchauffait tout ce qui pouvait se trouver à proximité. Un flocon atterri sagement dans ma nuque, provoquant le frisson tant désiré. J'éprouvais une sorte de plaisir avec ces sensations naturelles et inhabituelles. Je ne m'étais pas encore habitué à mes cheveux qui parfois, frottaient sur mon visage. Même dans un état bien calme, je me surprenais à sursauter. Par chance que cela n'arrivait pas lorsque j'étais en mission... Je vis les cheveux d'une femme se laisser porter par le vent, briller par le reflet de la lumière. Celle-ci se mit à rougir et à s'éloigner rapidement. Les vagues de sa crinières étaient soudainement plus carrées. Pourquoi devait-elle partir aussi rapidement? Je tendis la main dans sa direction, me simulant d'y passer mes doigts. Je soupirai en me demandant si la chance allait me revenir un de ces jours.

Je circulais à travers les rues. Les mains dans les poches de mon long manteau noir, j'espérais ne pas attraper froid. En passant devant une maison, une voix me stoppa net. Cette voix était grave et portée fortement. Je tendis l'oreille, curieux de connaître les détails de la situation:

La conversation était soutenue de pleurs et d'un bruit sourd. Je devais agir, je ne pouvais pas laisser les deux femmes dans leur situation. Leurs cris, leurs pleurs et leur message d'alerte avait été entendu. J'allais jouer le rôle d'un vengeur. Je vengerai ces émotions négatives provoquées par l'homme, je vengerai leur temps de solitude et de guerre. Je m'invitais alors dans la maison. La porte s'ouvrit sur l'homme qui s'apprêtait à partir, valise en mains. L'interrogation sur son visage se lut. En tant qu'étranger, en tant que bienfaiteur, j'allais agir. Je ne lui laissais pas le temps de dire un mot supplémentaire que mon fil barbelé s'accrocha à lui. D'un simple coup d'oeil, le barbelé se mit à découper violemment la chaire jusqu'à rompre les os. L'homme hurlait de douleur, les femmes hurlaient de peur. On cachait les yeux de la fillette de ce spectacle d'horreur. Le sang giclait sur les meubles, sur les individus dans la maison. Je quittais seulement lorsque je vis l'homme en morceaux, immobile. Le premier réflexe qu'elles eurent quelques secondes après mon départ fut d'analyser la scène de crime. Puis, la mère, la fille dans ses bras, se mit à crier dans les rues: «À l'assassin! On a tué mon mari!» Bien sûr, j'étais déjà bien loin de la scène en question. Mon manteau noir camouflait en surface le sang séché. L'odeur de fer allait bientôt faire surface.

Je pénétrais dans un bar sans vraiment porter attention à ce qui s'y passait. La voix de la femme ne s'y était pas encore rendue. De mon calme habituel, je pris place dans le fond de la pièce. Une lame courte sortie d'une de mes cicatrices. Je relevai mes manches et me mis à exécution. La lame transperça ma peau avec une précision rare. J'ajoutais cette blessure aux précédentes. J'en avais besoin, j'avais besoin de me sentir bien après ce que je venais d'accomplir. Après avoir rendu service à la petite famille, la femme était bien loin d'être heureuse de la nouvelle vie qu'elle allait avoir. Je ne comprenais pas cette façon de penser. Je venais d'éliminer un problème qui lui faisait du tort, qui la rendait triste et elle m'interpelle comme étant un assassin. Mon sang se mélangea à celui de ma victime, revigorant mon envie de manger...

Je me levai et me mis à l'écart, prenant la salle de bain comme lieu de sacrifice. Il ne pouvait pas comprendre la souffrance qui circulait à travers mes veines, la douleur qui me torturait sans cesse. Je nettoyais dans ma sombre solitude mon long manteau noir et repris place à ma table. J'avais cette impression de déranger, d'être observé. Je remarquais un individu plutôt bien caché du regard d'autrui. Je fronçai les sourcils en me demandant s'il faisait partie des espions de Silver Fang. Si c'était le cas, il n'était pas du tout subtil et il me faudrait en parler aux autres à ce sujet... Si le secret de Silver Fang était mis à vue, alors nous étions fichus...

Assis à ma table tranquillement, les yeux rivés sur les différents clients, je cherchais l'individu qui me faisait sentir de trop. Vous savez cette sensation étrange qui nous pèse dans le crâne lorsqu'on vous observe, cette petite voix intérieure qui nous fait halluciner qu'on vous appelle? Je croyais être devenu fou. Avait-il un gaz qui s'échappait dans le bar qui avait pour but de me faire délirer? Aucune odeur ne m'apparaissait différente du reste. Il n'y avait que cette forte odeur d'alcool qui me puait au nez. Ce n'était pas suffisant pour faire changer d'avis mon estomac qui criait famine. J'essayais de l'apaiser en me mordant la lèvre au sang et de laisser le sang couler à l'intérieur de ma gorge. Ce n'était clairement pas la même sensation, ni le même goût que la chaire humaine étrangère. Je serrais les poings, me retenant de sauter sur la proie la plus à portée. Je vis cet homme camouflé d'un long manteau se lever et se diriger vers ma table. Que voulait-il? Je gardais mon air le plus paisible possible, le plus grave. Pourquoi devait-il prendre cette décision dans un moment comme celui-ci?

L'homme resta debout en face de moi sans prendre place. Quelles étaient ses intentions? Il ouvrit la bouche. Une voix à la limite caverneuse vibra jusqu'à mes oreilles. Il parlait comme s'il me connaissait, comme s'il savait à quoi je pensais. Je fronçais les sourcils en me demandant quel genre d'individu était celui-ci... Il poursuivit en décrivant mon coeur comme s'il s'était assombri, comme si mon passé m'avait longtemps fait la guerre. Il termina en me demandant la personne que j'étais. Tout ce qu'il disait était véridique. J'avais souffert, longtemps, m'étais engouffré moi-même dans une coquille de marbre dans l'espoir d'oublier, dans l'espoir d'être quelqu'un de totalement nouveau. J'avais échoué, la malédiction du masque était tombée et maintenant, je devais vivre avec la personne que j'étais réellement, avec les plaisirs et les douleurs du quotidien... Mes mains se rassemblèrent sur la table, mon corps pencha vers l'avant pour chuchoter quelques mots:

Je vis la lueur de ses yeux briller par la flamme de sa cigarette. Mes yeux jaunes s'illuminaient aussi, rendant notre duo plutôt terrifiant. Mon pouce caressa l'ongle noirci de son jumeau. Lisse... c'était aussi lisse qu'une fenêtre, mais en même temps, c'était tout autre chose. Le barman présenta son mécontentement à nouveau, mais il fut interrompu d'un signe de main de la part de cet homme. Étrangement, il agissait comme si cette scène n'avait pas eu lieu, comme si on lui avait fait oublier la fumée qui tournoyait dans l'air. Mon regard s'aggrava encore plus, cherchant à se plonger dans celui de l'homme discret. Une telle façon de faire me laissait croire qu'il était fort possible qu'il soit lui-même un mage. Était-ce ce qui l'intéressait chez moi: ma particularité horrifiante? Je le voyais comme un homme qui faisait le tour des bars pour faire signer des contrats alléchants et sanglants à n'importe quel mage qui passait par-là. J'attendis une proposition quelconque, venant de lui, une ouverture qui me permettrait de faire le point.

Je lui fis un signe de main pour lui proposer de prendre place à ma table. Savoir manipuler autant la conscience d'un individu s'avérait à être une magie puissante et probablement taboue auprès du Conseil et de ces membres de Guildes Légales. Contrôler la pensée, savoir télépathiquement tous types d'émotions, c'était pénétrer dans les plus intimes coins du cerveau, une véritable mine d'or. J'espérais que nos objectifs soient communs. Cet homme pourrait tant m'en apprendre, tant m'enseigner le grand art de lire dans les yeux des individus. Longtemps prisonnier de l'ignorance, il me fallait comprendre, cerner, prédire et prévoir...

L'hésitation menait à la perte, à la défaite, à la mort. Cet homme cachait quelque chose, quelque chose qui faisait de lui un indésirable comme moi. Je cachais sans cesse ma véritable identité, je cachais mes intentions sans en parler à qui que ce soit. Mais qui était vraiment ici pour m'entendre me lamenter? Qui était vraiment présent à mes côtés pour m'écouter parler, apprendre à me connaître et me considérer à ma juste valeur? Personne... jusqu'à ce que cet homme vienne m'aborder. Il m'accordait trop d'attention et c'était plutôt étrange. Faire partie de la seule conversation active de ce bar, je n'en avais pas l'habitude. Je conservais un recul, choisissant la carte de la prudence et celle de ma nature d'existence: la sérénité du mort. La question persiste, continue de circuler dans les neurones de ces individus. Suis-je vivant? Si je ne l'étais pas, comment pouvais-je être en train de penser à ce moment-même? Comment se faisait-il que j'arrivais à ressentir comme n'importe qui? Ces gens qui ne se fient qu'à leurs yeux pour penser me dégoûtaient et je ne perdais aucunement mon temps avec eux.

L'homme qui soufflait sa fumée là où bon lui semblait de le faire ne dévoilait pas son identité. Avait-il lui aussi été considéré comme un homme à l'âme assombrie? Il parlait de cet art qu'il ne pouvait exprimer librement. Était-il une sorte de mercenaire qui comme moi dans mon jeune temps, cherchait à peindre les maisons du sang de ses habitants? J'eus un sourire mauvais en coin. L'intérêt qu'il éprouvait pour moi devenait de plus en plus réciproque. Il répondit à ma question en me disant qu'il était là pour voir mes talents. Ah bon? Avait-il une idée de recrutement en tête? Un marché avec un homme de son envergure ne se refuserait probablement pas. Je ne le connaissais pas encore, mais il en savait déjà trop sans que j'aie ouvert la bouche. Rien de familier ne se dégageait de lui pour ma part, mais je pouvais sentir qu'il n'était pas n'importe qui.

Il m'avertit qu'ils arrivaient, qu'ils étaient déjà-là. Qui? Je fronçais les sourcils alors qu'on frappait à la porte. Mon regard se tourna vers celle-ci et j'attendis de voir les événements se dérouler sous mes yeux. Le barman avait injustement été tué. Qui avait donc osé? Je me levai de ma chaise lentement, le regard brûlant de vengeance, les poings serrés d'une étreinte sanguinaire. Alors qu'intérieurement tout se préparait, l'homme commentait tout ce qui se produisait intérieurement. Il me demandait s'il se trompait sur ces suppositions parfaitement coordonnées. Mon regard ne quittait nullement le brigand qui en avait attiré deux autres à sa suite. Ce fut dans une voix mauvaise passée à travers mes dents qui salivaient que je lui répondis:

Rien d'autre n'avait besoin d'être dit. Je quittais la table en détachant mon manteau. Mon vêtement majeur tomba au sol et je m'avançais vers les brigands armés qui se ruaient sur moi comme des animaux sauvages. La seule qu'ils oubliaient, c'était la faim qui me possédait l'âme, la soif de vengeance. Ils étaient écervelés et ma volonté de manger était encore plus grande que la leur. Les bras détendus de chaque côté de mon corps, mes yeux seuls perçaient leur âme alors qu'ils tentaient de me transpercer de leur lame. J'esquivais souplement, passant entre deux assassins, je me précipitai sur la porte pour la fermer, le festin allait pouvoir commencer...

Je soufflai de mes poumons pourris une substance nuageuse noire qui camouflait mon apparence dans l'obscurité. Le bar était très mal éclairé, alors je pouvais parfaitement passer inaperçu. L'odeur de cadavres, de morts de tous les âges circulait dans le bar. Ces saccageurs, aux premières loges, respiraient la substance à plein poumons. Ils toussaient, vomissaient presque leurs entrailles, excellente stratégie pour les désarmer. Je me jetai sur un d'entre eux et lui enfonçai mon tibia dans la gorge pour que justement, il ne puisse plus respirer. Un autre vit mes yeux jaunes s'avancer vers lui et il fit un mouvement de recul en m'insultant à propos de l'odeur dégagée. Je pris ses cheveux dans une main et de leur, le poing fermé, je frappai de toutes mes forces à répétition son visage. Voyant que cela ne suffisait pas, je le traînais de force au sol. Mon pied sur son visage pour le maintenir en place quelques secondes avant de lui donner un violent coup de pied pour lui briser la nuque. Le troisième cherchait une issue pour s'en tirer. La salive se faisait trop abondante, je ne pouvais plus me retenir. Mes dents trouvèrent refuge dans son cou et d'un coup sec, j'en tirai un bon lambeau de peau dégoulinant de sang. Il se mit à crier de douleur. Ma main s'enfonça dans la plaie et je tirai vers moi pour récolter une autre bouchée. L'homme tomba parterre et se recula en m'implorant son pardon. Je lui répondis d'un sourire sanglant avant de le tirer vers moi par ses vêtements, puis de les déchirer avant de découper la chaire avec ma lame que j'avais utilisé juste avant. L'homme décida de se débattre, mais un coup de botte au centre du visage suffisait pour le sonner, le temps que je récolte mon dû. Déchirant la chaire avec mes dents, je prenais un plaisir fou à dévorer mes proies. L'aura de puanteur s'était évaporée, mais l'odeur était incrustée dans les tissus et dans l'humidité des meubles. Le repas terminé, je m'essuyais du revers de la main les lèvres et mis mon manteau. Je jetais un dernier coup d'oeil vers cet homme avant de quitter le bar et de me débarrasser de ces injustes.

À ma sortie du bar, cet homme décida enfin de dévoiler son véritable visage. Un crâne rouge, complètement rouge. Il fallait bien reconnaître que lui aussi avait quelque chose de spécial. Je pouvais reconnaître la forme crânienne identique à celle d'un humain commun. Il avait quelque chose d'humain, mais en même temps, cette teinte inhabituelle rappelait qu'autre chose faisait partie de son être. Ayant moi-même une histoire à raconter, la sienne devait être encore plus enrichissante. L'homme au crâne rouge me demanda de ne pas trop me fatiguer parce que nous allions avoir beaucoup de travail. Nous? Alors il ne voulait plus être spectateur, mais agir, être au centre de l'action, faire partie du carnage qui allait avoir lieu. Je souris en coin, mais gardais toujours ce doute à son sujet. Avions-nous réellement des buts communs? Faisait-il tout cela pour m'amadouer? Je devais surveiller mes arrières et reconnaître ma façon de penser. Cet homme, s'il arrivait à faire ce qu'il voulait avec la conscience des individus, il pouvait très bien faire la même chose avec moi.

Je le vis lever son bras vers ces assassins. Puis, la zizanie se créa entre eux, s'entretuant en se traitant de tous les noms. Hallucinaient-ils? Un d'entre eux se précipita vers nous, enfin, vers le psychiste. Il esquiva et immobilisa l'homme habilement. Il me dit qu'il avait l'intention de chercher les informations directement dans les souvenirs de celui qu'il venait d'attraper. Il me fallait donc le protéger pendant qu'il se mettait à l'oeuvre. Je retirais mon manteau à nouveau pour me permettre de me lancer dans la bataille en me mettant à l'aise. Deux singes couraient vers nous, le sabre haut dans les airs. Ils tranchèrent simultanément verticalement. Une main sous chaque lame, j'amortis la puissance de celles-ci en suivant le mouvement effectué. J'étais tranché légèrement, mais au moins, j'avais réussi à stopper la seule chose avec laquelle ils se défendaient. Le mouvement arrêté, je retirai mes mains du tranchant et brisai le nez d'un avec mon poing, l'autre réussit à se remettre de ses émotions et recommença son assaut. Il essaya de me trancher, mais son arme lui paraissait si lourde. J'attendis qu'il fasse un coup vertical pour poser mon pied dessus et le désarmer. Ceci fait, il sortit une dague de sa ceinture. Du coin de l'oeil, trois autres brigands s'avançaient vers notre résistance... Je devais arrêter de jouer au chat et à la souris sinon, le mystérieux ne pourrait plus oeuvrer sur sa victime. Je fis exprès pour que la dague se plante au centre de ma main. Je poussais vers l'avant, m'accrochant au manche et tirai en lui mettant mon pied dans l'estomac. Je retirais la dague de la plaie sans plainte et la lança directement dans l'oeil d'un des trois précipités.

Mes mains entourèrent le crâne du désarmé, l'étampant de mon sang et je tournai son crâne d'un coup sec, lui brisant la nuque. Les deux coureurs se précipitèrent sur mon allié, mais ils n'allaient pas y arriver. Je bondis en face d'eux, me tenant en équilibre sur mes mains, ce fut dans mes semelles de bottes que leur lame se planta. Agilement, je me donnai un élan vers eux de toutes mes forces et les sabres plantés, se plantèrent dans le centre de leur crâne. Bien sûr, avec mon contrepoids, les sabres s'étaient enfoncés vers le plat de mes pieds en me coupant. C'était un risque, mais au moins, je m'étais débarrassé d'eux. Je me retirai de mes victimes en prenant un sabre dans chaque main, attendant les autres en me tenant sur la pointe des pieds. Cinq autres se joignirent à leurs camarades en courant. Contre cinq à moi tout seul, j'allais avoir un peu de difficulté à gérer. Je leur lançai les sabres qu'ils esquivaient parfaitement. Une de mes cicatrices s'illumina d'une lueur jaune. Un museau, puis une tête, suivie de près par les pattes et le reste du corps, le cadavre du chien tomba durement au sol. Il se secoua de tout son long en faisant voler quelques lambeaux de peau qui pendaient de son corps:

Ma cicatrice cessa d'illuminer et d'un coup de tête, le chien comprit. Il se précipita vers un d'entre eux et lui sauta au bras en tirant et en secouant à l'intersection de son poignet. Les tendons se défaisaient au fur et à mesure que le chien tirait. Les cris de l'homme attirèrent un autre d'entre eux qui essaya d'éloigner le chien avec des coups de pied. En tentant d'esquiver les coups de pied, le chien resserra son emprise jusqu'à ce que la main cède. Son trésor acquis, il s'en prit à la gorge de l'homme qui avait tenté de sauver l'autre. Les deux hommes tentèrent de se dégager, mais ça ne faisait qu'empirer les choses. Les trois autres arrivèrent à mon niveau et me matraquaient de leur lame. J'esquivais habilement, mais les coups répétés me piégèrent et je me fis lacérer d'un côté, puis d'un autre...

La plus longue de mes cicatrices s'alluma à son tour et quitta mon corps pour donner vie à un fil barbelé géant. Celui-ci s'empressa de fermer son emprise sur les trois attaquants. Le tranchant du fil se planta dans leur chair et au moins mouvement, la plaie s'agrandissait. Je serrais l'emprise du fil sur eux et le fis tourner sur leur corps leur faisant pousser une plainte atroce. Ils se firent trancher jusqu'aux os de toutes parts. Mes créations retrouvèrent leur place auprès de ma peau et de je m'assieds à côté du psychiste qui ne devait pas tarder à finir...

Assis confortablement sur le sol gelé, je tendis la main vers un membre que je venais de séparer du corps de son propriétaire pour terminer mon repas. Oui, j'avais toujours faim. Lorsque manger m'était accessible, je ne m'en gênais pas. Je devais sans cesse me retenir, agir comme si je n'avais pas «l'attribut» de cannibale. Déchirant avec appétit la chaire, j'attendais patiemment que le bourreau ait terminé d'effectuer son lavage de crâne à notre adversaire. Celui-ci semblait souffrir. Je ne voulais pas être à sa place même si c'était pour mon bien. Le filet rouge coulait de ma bouche et je m'empressais de l'effacer avec le revers de ma main. Le froid se faisait de plus en plus dense. Immobile comme je l'étais, il me fallait mon manteau si je ne voulais pas d'engelure. Je me levai et mis mon manteau d'un geste simple et habile. En me retournant, le psychiste venait d'égorger sa victime.

Il m'informa alors de l'endroit et des individus auxquels nous ferons face. Il en savait énormément et avait en sa possession un détail important: Thundra. Je ne savais pas qui était ce fautif, mais il allait falloir s'en méfier. Je vis cet homme comme étant quelqu'un de puissant puisqu'il pouvait aussi facilement accéder à la conscience des gens. Si cet homme disait que Thundra était dangereux, alors il me faudra être prudent, à la limite me restreindre de l'approcher. Le seul fait de connaître l'antécédent auprès du Conseil de notre cible suffisait à me convaincre. Seulement... cet homme au crâne rouge me donnait l'impression qu'il voulait se joindre à l'assaut. D'accord, il avait ces informations, mais il en savait trop sur moi pour le laisser filer, pour le laisser jouer à gauche et à droite dans cette grotte. Je ne pourrai pas me permettre de jeter sans cesse un oeil dans sa direction lorsque je combattrai. Le tuer pour le faire taire? Juste. Mais il m'avait rendu service... Alors que je sentais la pression battre dans mon crâne, sa personnalité se révéla...

Black Jack... un homme puissant, l'ancien maître de Légion, celui dont tout le monde parlait lorsque l'île de la Guilde a été décimée... Comment cela se pouvait-il? On racontait qu'il avait un visage de squelette et un beau grand chapeau. Celui qui se trouvait devant moi avait une peau rouge qui recouvrait son visage. Pourquoi? Comment? Je n'avais jamais croisé cet homme, mais les rumeurs se propageaient à la vitesse du vent concernant sa mort. Il était bel et bien en face de moi, vivant, probablement encore plus qu'avant... J'écoutais d'une expression faciale ténébreuse son long discours. Il parlait de moi comme étant un loup affamé, assoiffé de chaire et de sang. Il continuait en me découvrant comme étant un homme à la rechercher de toujours plus fort, à la recherche d'un individu encore plus puissant à vaincre. Il avait tort sur ce point. Je cherchais de nouveaux défis à relever, mais mes motivations étaient loin que d'être aussi précises. Rien ne m'obligeait à le suivre, mais comment pouvais-je être certain que le choix de partir s'offrait à moi? Comment pouvais-je me fier à sa parole... à SA parole? Black Jack, je ne sais en rien ton passé, ton présent et ton futur, mais il est clair que Silver Fang me servait de béquille plutôt que d'un véritable objectif à préserver.

Une main fut tendue et la décision devait se prendre maintenant. Moi? Fils de guerre? C'était clair que cela me ressemblait, mais je devais d'abord faire les pours et les contres... Silver Fang, je n'avais pas d'affinité avec qui que ce soit. Certes, je m'entendais bien, enfin, j'étais en de bons termes avec quelques uns d'entre eux, mais les objectifs de la Guilde n'étaient pas les miens. Je me souvenais de la fois où Oméga avait mis feu à toute une ville parce qu'il ne contrôlait pas sa puissance magique. J'avais voulu en finir parce qu'il avait causé énormément de problèmes avec le peuple, avait mis des vies en danger, avait tué de sang froid des innocents. Je ne tuais pas d'innocents, chaque individu qui goûtait à la vengeance avait d'office fait quelque chose d'inacceptable. Bastian m'avait empêché d'agir, empêché d'être moi-même, empêché mes nouvelles ambitions. Je pouvais sentir que Black Jack me permettrait ce qu'on m'a bloqué. Je regardais la main quelques secondes, puis plongeai mes yeux jaunes dans les siens. Un sourire sadique aux lèvres, ma main se tendit vers la sienne pour la serrer amicalement:

Un accord commun scellé, j'avais l'impression d'avoir signé un pacte avec le diable. De toutes manières, mon âme était damnée depuis ma naissance, qu'est-ce que cela changerait de mes habitudes? Le mal était fait, je ne pouvais plus faire marche arrière. Je ne savais pas combien de temps cela allait durer, mais rien ne pouvait m'arrêter. Si on décidait d'interférer, il était déjà trop tard et tous ceux qui m'empêcheraient de réaliser mes objectifs étaient une entrave à ma liberté et ils avaient une raison de plus de mourir, de me nourrir. Mon visage reprit son air paisible alors que nous nous dirigions vers le repère. Deux individus armés d'un bâton nous barrèrent la route. Un sourire carnassier aux lèvres, notre apparence les laissait indifférents. Celui qui se trouvait en face de moi illuminait ses bras d'une aura verdâtre, puis ses bras se mirent à s'allonger 'une vitesse fulgurante. J'esquivais de justesse la ressemblance de fouets qui touchèrent un obstacle au passage. Celui-ci se mit à fondre comme du beurre trop chaud. Je n'osais pas risquer d'utiliser mes créations de peur que lorsqu'elles reviendront à ma peau, me contaminent de cet acide et que je ne puisse pas m'en débarrasser. Il me fallait l'empêcher de m'atteindre et arrivé à proximité, le poignarder.

Je souriais en coin et attendis patiemment la prochaine attaque qui m'était portée. Je me jetai au sol et effectuai une roulade avant de m'élancer à la course vers lui. Les bras attérirent au sol et se mirent à ma poursuite, toujours cet au ra vers qui les illuminaient. Les bras étaient envoyés au niveau de mes jambes et je sautai pour éviter de les perdre. Cela me coûta mes bottes. Tant pis, je m'élançai et les retirai pour éviter qu'elles me consument aussi. Je remarquai que le vert venait de disparaître, mais que les bras étaient toujours à ma poursuite. Alors que j'essayais de comprendre, je me fis fouetter par ces bras flexibles mutés. Mon corps s'abattit contre la paroi rocheuse de la grotte, mais... par de brûlure? Était-ce cet aura verdâtre qui causait ces bains d'acide? J'allais bientôt le deviner... Je m'élançai à nouveau à la course vers lui. Il ramena ses bras d'une taille normale. Maintenant, c'était une de ses jambes qui illuminait. Je fronçais les sourcils. Je m'assurais que mon allié n'était pas à portée avant de m'écrier:

Toutes les cicatrices qui couvraient mon corps s'illuminèrent de cette lueur jaunâtre. Moins d'une seconde plus tard, une cinquantaine de shurikens en naquirent et furent catapultés dans toutes les directions, y compris vers mon adversaire. Il réussit à en esquiver quelques uns, mais se retrouvait à être tranché à cause de sa position initiale. L'aura verdâtre s'effaça à nouveau et les pas suffisants se firent pour que je bondisse sur mon ennemi et l'attaquer d'un coup de poing au visage. Sa tête tourna comme si les vertèbres de sa nuque étaient flexibles. Lui briser un os me serait impossible. La lueur malsaine revint et il s'essaya au corps à corps rapproché, bien décidé à me faire fondre. Les shurikens retournèrent à leur nid dans une pluie d'étoiles. Celles qui avaient été en contact avec l'acide avaient été affectées que sur le moment. Quel soulagement... Son poing fracassa le mur à plusieurs reprises, il perdait de la rapidité. Je souris en coin, voyant le vent tourner dans la bonne direction. Je pris un peu de distance, son poing tourna au vert et me suivait à la trace. Je bondis haut dans les airs, passant par-dessus la tête de mon adversaire. Ne voyant que m a silhouette pour cible, il ne se rendit pas compte de la trajectoire que prenait son poing. Celui-ci passa littéralement à travers son propriétaire. Il cria de souffrance avant de s'écrouler dans une marre pour disparaître. Je me devais de conserver le plus de force possible. Lorsque nous serons à destination, je me devais d'être le plus apte possible à utiliser toutes mes cartes. Je m'assurais que mon allié passe cette étape sans difficulté avant de passer à la prochaine...