Jiro se réveilla en sursautant, alors que le soleil commençait seulement à se lever. Il quitta ses draps et s'étira lentement. Les souvenirs brumeux de la veille remontaient en lui. Il se souvint du garçon blond et de l'autre, le brun, qui l'avaient interrompu alors qu'il était en train de tuer Talder. Il avait finalement réussi à tuer sa victime, mais il avait clairement été exposé aux deux garçons, qui s'étaient révélés être des mages. Jiro n'avait pu que s'enfuir, malheureusement, avec un sentiment de dégout au fond de lui. Il avait, pour la première fois, faillit dans une mission. Désormais, deux personnes dans Magnolia connaissaient son visage et le fait qu'il soit un meurtrier. Il allait devoir se montrer des plus prudents possible, désormais.
Un autre évènement de la veille lui revint subitement. Il s'était inscrit pour participer à une chasse organisée pour le Festival de la Fraternité. Il avait signé en pensant uniquement à passer du bon temps. Sinon, il serait resté toute la journée à se lamenter dans sa chambre à l'auberge. Participer à une telle épreuve pouvait seulement être bénéfique pour son moral; d'après ses premières impressions.

Il se rendit à l'accueil de l'auberge et demanda des renseignements sur le Festival. Heureusement, l'évènement semblait avoir été attendu par tous, si bien qu'il eut un flot d'informations sur ce qu'il allait découvrir. Il apprit également que, par un réseau de lacrymas, toutes les épreuves allaient être retransmises dans le pays. Il n'aimait pas ce point, et le fait qu'il se soit montré à deux personnes hier ne l'avantageait pas. Il allait devoir demander à Sayuki de lui changer d'apparence. Il remonta ainsi dans sa chambre, le visage aussi stoïque, et demanda à sa marionnette qui avait le pouvoir de changer le physique des gens de lui donner une apparence assez robuste mais pas trop attirante. Il s'allongea pendant que le sort faisait effet, et sentit son corps se transformer petit-à-petit.


Prêt d'une demi-heure plus tard, le sort fut terminé. Il se releva et s'observa dans la glace. Son nouveau visage affichait un air constamment blasé. C'était l'idéal, pour lui qui n'aimait pas montrer ses émotions. Satisfait, il quitta l'auberge et arriva dans les rues de la ville, s'habituant progressivement à son nouveau corps. Il se rendit chez un marchand d'armes et opta pour deux katanas.

Petit-à-petit, les rues de la ville se vidaient pour préparer le festival. Il se rendit au lieu d'accueil des participants et fut accueillit par une hôtesse. On lui demanda son nom. Il répondit Taro.
L'endroit grouillait de monde, mais il se fit guidé parfaitement par la femme vers un autre personnage. Un garçon, pas forcément âgé, ni grand, mais tout de même visiblement assez mature. Il portait un air sérieux, presque grave, sur son visage. C'était son coéquipier, et il le salua d'un signe de tête. Ils n'eurent pas le temps de parler qu'un homme arriva.

« Crysis et Taro, veuillez-me suivre s'il vous plait ! »

Crysis, l'étrange coéquipier de l'étrange Taro. Les deux furent guidés vers l'endroit où ils devaient débuter les épreuves. Vu l'agitation, le départ semblait imminent.

« Salut, c'est toi Taro ? Je suis Crysis ton partenaire , j’espère que tu as de l'ambition car je suis venu ici pour gagner ! »

Jiro observa d'un œil blasé l'autre homme. Il se demanda quelle posture adopter; fallait-il se montrer enjoué ou plutôt inexpressif ? Il fit un effort pour montrer le plus d'entrain possible.

« Je suis Taro. Si je me suis inscris, bien sûr, c'est pour prouver que je suis le meilleur. Je suis ravi de faire équipe avec toi. Ma magie n'est pas très offensive, mais je suis assez doué au combat physique, comme tu peux le voir... »

Il tenta de sourire, ce qui se solda par un minuscule rictus, et porta ses mains sur le pommeau de ses katanas qui pendaient à sa ceinture. Il aurait bien continué à discuter, non par envie mais plus pour ne pas attirer les attentions de son coéquipier, mais une voix résonna - jusqu'à présent, on entendait seulement quelques commentaires, mais cette fois, le silence attira l'attention de Jiro.

« Sur ces mots, je déclare la chasse ouverte. Vous avez vingt quatre heures pour arriver au bout. Que tous les mages fassent leur maximum pour assurer le spectacle. Bonne chance et bonne chasse à tous. »

Le départ fut donné. Presque confiant, Jiro s'avança en silence de quelques pas, attendant de voir ce qui pourrait leur tomber dessus, et n'oubliant pas la présence des lacrymas qui retransmettait chacun de ses gestes.

Les premiers pas des deux hommes dans l'arène géantes étaient plutôt confiants. Ils avançaient tous les deux, côte-à-côte, bien évidemment sur leurs gardes, mais sans se soucier intégralement du danger. Non, ils continuaient leur avancée d'un pas certain, n'ayant pas peur de tomber dans un quelconque piège.
Crysis était plus petit que Jiro - ou plutôt, Taro - mais semblait tout aussi robuste que lui. Les deux garçons semblaient pouvoir se défendre au corps-à-corps - avec les armes de Jiro, cela serait encore plus facile - mais le festival était ouvert aux mages, et c'est donc que les bêtes qu'ils allaient rencontrer allaient être sans doute robustes. Il allait questionner son camarade sur sa magie mais il fut devancé par l'autre qui semblait tout aussi intrigué :

« Tarô , je voulais savoir , tu te bats uniquement avec tes sabres ou tu as une magie pour pouvoir te battre à distance ? Car ma magie est déjà faite pour le combat au corps à corps , donc si on se bat tout les deux aussi près avec ces trucs ... »

Comme pour avancer sa réponse, il posa, à nouveau, la main sur le fourreau d'un de ses sabres, comme prêt à le dégainer.

« Je me battrai principalement avec mes sabres aujourd'hui. Je maitrise autrement l'art du marionnettiste, mais je n'en suis qu'aux rudiments, si bien que cette magie ne sera pas d'une certaine utilité aujourd'hui, sauf si une bête veut bien devenir de son plein gré mon pantin... »

Il eut un faible rire, peut-être pour détendre l'atmosphère et ne pas effrayer son camarade. Il avait en effet faillit lui demander s'il pouvait lui-même devenir sa marionnette, de sorte qu'ils ne fassent plus qu'un, en quelques sorte, si la situation devenait trop difficile. Mais ce n'était pas une proposition que l'on faisait tous les jours, surtout cinq minutes après une rencontre.
Crysis lui apprit également qu'il maitrisait une magie venteuse, et qui pourrait être utile dans de nombreuses situations mais également comblée par des atouts puissants. Jiro se dit qu'il fallait être sur la même longueur d'onde pour réussir à se défaire des lourdes situations qui étaient censés les attendre. Peut-être qu'au début, les bêtes qu'ils rencontreraient seront clémentes et il serait aisé de s'en débarrasser. Mais pourront-ils se défaire d'une situation critique avec un marionnettiste sans marionnettes de combat et un mage de vent qui paraissait tout juste novice ? Jiro n'osa pas confier ses peurs pour l'instant et avança, silencieux, aux côtés de son coéquipier.

Ils arrivèrent bientôt à un croisement, une petite place circulaire, où trois bêtes les attendaient. Des loups, affamés, occupés à terminer les restes d'un furtif repas. Jiro, la main posée sur son premier sabre, fut presque soulagé de voir seulement trois bêtes de cette carrure. Il pourrait s'en défaire avec ses seuls sabres, sauf si les bêtes réservaient des surprises.
Ils étaient donc en territoire ennemi, et les trois bêtes, alignées, entamèrent leur course vers le duo. Crysis s'avança également vers eux et se mit à voler par dessus-eux avant de les attaquer par derrière. Les loups mobilisés par Crysis laissèrent le dernier loup foncer sur Jiro, qui n'avait toujours pas bougé. Quand le loup, à quelques mètres de l'homme, sauta en direction de sa proie pour avaler l'humain, Jiro, en l'espace d'une seconde, dégaina son premier sabre et trancha dans un même mouvement l'air devant lui, de quoi repousser, voire trancher s'il avait de la chance, la bête. Après cette première action, il remit son sabre dans son fourreau et se concentra à nouveau sur la scène. Il était plutôt intrigué de voir comment Crysis se débrouillait.

Les deux camarades combattaient, chacun de leur côté et à leur façon, un loup en guise de premier adversaire. Heureusement pour eux, un autre loup avait été vaincu du premier coup, de quoi rétablir l'équilibre des forces.
Crysis, de sa magie du vent, utilisait quelques sorts pour augmenter la portée de se coups, en espérant surement que la bête serait facilement vaincue face à une telle magie. Crysis pouvait sans doute s'assurer une bonne agilité, l'air en sa faveur, et sentir, voire pressentir, les coups adverses.
Pour Jiro, c'était plus délicat. Autant il se trouvait dans un corps étranger - il n'avait pas encore prit totalement l'habitude d'être dans ce corps qu'il venait de modeler juste quelques heures plus tôt - qu'il n'avait pas de magie vraiment utile pour une telle situation. Il se trouvait face à une bête affamée qui ne lui laisserait pas le temps de trop réfléchir à quelques ruses indélicates. Il fallait qu'il réagisse par réflexe, muni de ses deux sabres qui étaient, pour ainsi dire, autant ses armes que son passeport pour la survie. Le loup qui lui faisait face avait été prit de court, rejeté par la longue lame de Jiro, mais le canidé ne comptait pas s'arrêter si proche de sa cible. Malgré sa blessure, il revint à l'assaut, et suffisamment vite pour surprendre le marionnettiste. Désavantagé, ce dernier réagit trop tard et se prit une charge violente du loup en plein ventre. Il fut repoussé brutalement de quelques mètres, déséquilibré, mais détacha ses deux sabres de sa ceinture, sans les ôter de leur fourreau. Avec leurs fourreaux résistants, il pourrait se servir de ces deux sabres pour maintenir la bête à distance.

« Un loup qui n'a comme seule arme ses crocs et ses pattes griffues ... On va voir qui va l'emporter entre la bête et l'humain. »

Jiro laissa retomber d'un geste vif les deux fourreaux, laissant les lames des sabres resplendir au soleil. Il faisait face au Meiden, et se mit en position d'interception en croisant ses deux sabres devant lui. Il était caché derrière la croix, sa tête se dégageant au-dessus comme sur un pavillon pirate. Et dès que la bête allait attaquer, il refermerait ses deux lames, comme une cisaille, pour mettre la bête hors d'état de nuire. Il n'attaquait donc pas; c'était plutôt dangereux avec de telles bêtes. Il attendait juste que la bête vienne à lui. Et cette fois, il était prêt à l'accueillir.