Je m'habituais peu à peu de la vie de membre de Guilde. J'avais passé énormément de temps dans la solitude et mon égo me rendait aveugle des autres possibilités. Comment pouvais-je savoir qu'il était possible de savoir qu'il pouvait y avoir des gens avec les mêmes buts, les mêmes intentions alors qu'on est refermé sur soi-même? Cet éclatement magique et cet exil m'ont fait réagir, m'ont ouvert les yeux sur le vrai monde, sur moi-même et sur mes véritables intentions. Mon cannibalisme m'a suivi une bonne partie de ma vie et s'est empiré, me rendant comme un animal sauvage. Je n'avais pas gagné grand chose à ce niveau mis à part cette petite transformation physique. Je n'en étais pas mécontent, je ne l'appréciais pas non plus, j'étais ainsi et je devais simplement l'accepter. D'ailleurs, mes nombreuses cicatrices qui reflétaient mon douloureux passé m'ont servi et m'ont permis de me sentir comme un homme nouveau, un réincarné. J'admirais ce dont ma magie était capable de me permettre, j'admirais cette façon de créer la vie sans nécessairement rendre une femme enceinte.

À la Guilde, nous avions tous vu cette affiche que Clifford avait sûrement ajouté de lui-même. Il nous informa que si nous voulions participer, il nous fallait participer sous un autre nom. Il nous dit que le nom de Guilde sous lequel nous étions couverts, se nommerait «Feuille de Thé». C'était simple comme nom et cela couvrait bien notre véritable origine. Je souris en coin, probablement le seul à le faire sincèrement. À tour de rôle, nous recevions un nom de couverture qui nous servait que temporairement. Je recevais donc le nom de «John McCormick». J'acceptais le nom d'un signe de tête. Il nous restait peu de temps pour nous préparer. Je compris donc qu'ils s'attendaient à ce que tous partent en même temps. Cela pouvait être un bonne chose et pourrait nous faire passer pour une Guilde unie malgré nos regards et nos accoutrements ténébreux.

Le jour comme tel arriva. Nous partîmes en train en direction de Magnoria où le Festival de la chasse aux monstres avait lieu. Comme à mon habitude, je restais silencieux. Certains étaient fébriles, excités ou d'autres comme moi, gardaient leur calme à la perfection. Le voyage me parut long, était-ce à cause de la lassitude des événements? Je n'en doutais point. Arrivés à la Gare, nous suivîmes notre Guide qui nous amena dans une grande salle. Les autres concurrents s'y rendirent aussi. C'était l'heure du grand rassemblement. Cela me faisait étrange d'être au centre d'un public et en plein jour. Je ne me sentais pas des plus à l'aise et voulus à tout prix commencer les épreuves. Enfin, ce n'étaient pas vraiment des épreuves, mais bien des monstres à capturer. Cette règle était très stricte et si quelqu'un osait abattre une créature, il serait disqualifié du concours. Qui sait, d'autres conséquences pouvaient très bien s'appliquer aussi. Je remarquais qu'il y avait un bon nombre de participants. Les chances allaient donc être plus minces de l'emporter. Certains étaient-là pour s'amuser, d'autres voulaient à tout prix remporter l'événement. Je sentais la pression augmenter entre les mêmes membres de Guilde. La compétition allait être féroce...

Les noms furent donc tirés pour former les équipes. Évidemment, les gens d'une même Guilde n'étaient pas nommés à la suite de l'autre. Voyant extérieurement les autres, je conclus que les équipes étaient assez équilibrées. Mon nom sortit finalement. Je m'avançai donc d'un pas tout à fait normal vers l'homme qui nous dirigerait vers notre section. Habillé seulement de pantalons et de vieilles bottes, les gens chuchotaient entre eux en se demandant la raison de mon accoutrement. D'ailleurs, les gens s'étaient éloignés plutôt rapidement lorsque je m'étais avancé. Ces mages avaient tous leur qualité, mais un bon nombre de défauts rongeaient leur noble coeur. Ma coéquipière fut nommée. Elle s'avança d'un air hautain. Je pus la détailler d'avantage lorsqu'elle fut sortie de ce bain de foule. Habillée de façon très élégante, peut-être même trop pour aller se balader en forêts, elle ne m'adressa pas même un regard. Je lui fis tout de même signe de passer à l'avant pour fermer la marche. Nous nous rendîmes assez rapidement à notre section. J'avais rarement eu la chance de jouer les gentlemans, mais je ne raterai pas celle-ci. Enfin seuls, en attente du signal de départ, je me mis face à elle et c'était avec politesse que je courbai le haut de mon corps, une main sur le coeur tout en déclarant:

Notre zone nous amena dans une partie de la ville de Magnoria. Nous marchions côte-à-côte sans nous regarder, sans nous parler. Je sentais une tension dans l'air et un léger dégoût refléter dans les iris de ma coéquipière. Je n'en avais rien à faire de ce qu'elle pouvait penser. Une telle beauté serait sûrement capricieuse et intéressée à ses propres intérêts. La ville me paraissait colorée, pleine de vie au grand jour. Cela me faisait bizarre de voir tout ce que je voyais dans l'obscurité, sous leur vraie apparence. Je ne savais pas si cela me plaisait de voir le vrai côté, le vrai visage de ce qui m'entourait. C'était certain que ça me permettait de voir des failles là où on n'en voit pas habituellement, mais au grand jour, se cacher dans la masse est beaucoup plus difficile.

Nous faisions notre avancée alors que le soleil tapait sur nos têtes. Habillé comme j'étais, je ne pouvais pas craindre de cuire comme un cadavre en décomposition. Nous vîmes un grand oiseau qui alla se percher au toit de la cathédrale pour se munir d'une couronne. Était-il vraiment un oiseau? Ou une personne déguisée en mascotte? Lorsqu'il prit son envol pour se tenir sur un fil, la supposition n'avait plus lieu d'être. Notre observation ne semblait pas lui plaire et il nous lança des lames de vent qui trancheraient tout ce qui se trouverait à portée. Je pris donc les devants, prenant Elora dans mes bras et nous projetai en maintenant bien sa tête. Nous fîmes quelques roulades qui nous sauvèrent probablement d'une mort certaine. Immobiles, je la relâchai délicatement comme si elle était une poupée de porcelaine. Je décidai d'aller de l'avant et poursuivis l'oiseau. Je repérais un poteau électrique et le grimpai en vitesse. Marcher sur les fils seraient mortels, mais ce n'était pas mon intention. Inspirant profondément, j'expirai cette fumée noire qui était nulle autre que la:

Était-ce suffisant pour le faire tomber en bas de son fil? En tout cas, si je pouvais permettre à Elora d'établir sa stratégie et nous en débarrasser, je n'aurais pas servi à rien. L'odeur nauséabonde cadavérique avait pour but de faire perdre ses sens à l'animal, à le faire se sentir mal, le rendre malade. Il avait la taille suffisante pour subir les effets. Sa volonté était-elle plus forte pour combattre la maladie?

L'oiseau esquivait nos attaques d'un coup de vent. Pourtant, la combinaison de mon nuage et des baisers volants de ma coéquipière avait été parfaite. Seulement, notre cible était toujours dans les airs, toujours en train de se mouvoir. Il n'y avait pas de moyen convaincant de nous en prendre à lui avec des projectiles. Pour sa riposte, l'oiseau nous envoya ses plumes rouges à notre suite. Pris sur mon poteau, il m'a fallu me jeter en bas et effectuer une roulade pour ne rien me prendre. J'avais quand même eu chaud sur ce coup-là. Je m'assurai que ma coéquipière n'avait rien eu en lançant un simple regard en sa direction. Rassuré, la plus longue cicatrice qui couvrait mon corps s'illumina et un long fil barbelé en sortit.

Le fil métallique flottait à mes côtés quelques secondes avant de s'élancer droit sur l'oiseau à l'attitude plutôt étrange. Le fil s'accrocha au niveau de son cou et lui enroula le reste du corps dans ses broches mortelles. Puis, le fil tira l'oiseau vers le sol pour que nous nous en occupions en nous mettant à notre aise. Déjà, qu'il soit coincé allait l'affaiblir, dès qu'il bougeait, il allait souffrir. Il suffisait de patienter, voir comment il se débrouillerait. Je ne savais pas ce qu'Elora pensait puisqu'elle ne me fit pas part de ses pensées, alors je me contentais de la regarder doucement, muet comme une tarte. Je n'avais rien à ajouter. Je ne voulais pas non plus trop utiliser de magie. La journée allait être longue et nous devions passer à travers avec la réserve magique que nous avions. Il y avait toujours la possibilité de se reposer, mais je préférais ne pas prendre cette chance.

La tactique du fil barbelé fonctionna. L'oiseau, même s'il se débattait, était retenu prisonnier et plus qu'il bougeait, plus ses plaies s'ouvraient. Il tenta de nous repousser en poussant un cri qui m'obligea à couvrir les oreilles. Mon fil barbelé tenait bon, il n'avait besoin de ma concentration que pour bouger. Elora l'attaqua de baisers volants qui furent ralentis, mais pas totalement. Ceci fut le coup de grâce et nous pouvions enfin respirer. La mine de l'oiseau basse, nous l'avions vaincu. L'équipe qui devait le ramener arriva et le mit en cage avant de repartir. J'observais ma partenaire, me demandant si elle allait proposer quelque chose.

Je pouvais sentir ce dégoût qu'elle éprouvait envers moi. Son regard ne croisant jamais le mien, le menton relevé, je n'étais qu'un monstre pour elle. Tant pis, elle devait s'y faire pour les neuf prochaines épreuves. Je ne lui demandais que de coopérer, pas de m'aimer, ni de faire de moi son ami. Je lui montrai la route de la main, lui signalant qu'elle pouvait passer devant si elle le désirait. Sinon, je n'allais pas me gêner pour prendre les devants. Lorsque nous passions près d'obstacles, je ne me gênais pas pour passer ma main sur ceux-ci sans m'arrêter de marcher. La texture de ce qui se trouvait autour de moi... c'était si agréable...