L’effet ne se fit pas attendre, à peine eussé-je libérer la magie qui maintenait mes surcharges en place, que l’explosion qui s’en suivit secoua la créature de l’intérieur. Je la sentais vibrer violemment sous mes pieds. Après quelques secondes immobile, la tortue finit par s’effondrer au sol, moi toujours sur son dos. Je sautais à terre en prenant garde à ne pas retomber sur ma jambe droite. J’atterris en souplesse et me tournais vers ma partenaire. Je m’approchais d’elle en boitillant légèrement avant de m’asseoir exténué sur le sol à quelques mètres d’elle. Je levais les yeux vers son visage ou je pouvais voir de l’inquiétude.

Mes blessures n’étaient que superficielles, déjà l’étourdissement créé par le coup de patte de la tortue s’évanouissait. Mon genou me gênait mais après deux minutes de marche, la douleur et ma démarche seraient toutes deux revenues à la normale. Je tentais de la rassurer avec un sourire :

J’allais lui retourner la question, mais visiblement à part quelques traces de roussissure, elle était en un morceau. Elle avait remarquablement suivit mes instructions et occupé la créature. Je me rendais compte que j’avais un peu trop vite préjugé de ses forces et qu’elle n’était peut-être pas si fragile que ça. Je la félicitais :

Je jetais machinalement un coup d’œil à la créature et remarquais pour la première fois ces hommes en uniforme, le même que celui dont l’homme qui m’avait amené jusqu’au lieu de rendez-vous était vêtu. En un instant la tortue se volatilisa devant mes yeux ébahis. Entendant les paroles d’Ayumi, je me tournais vers elle :

Je la regardais avec deux grandes yeux ronds en attendant la suite de sa phrase. Elle cherchait visiblement ses mots et c’était compréhensif. Ce devait probablement être une première pour elle de participer à un combat de cette ampleur, elle était encore jeune et c’était normal.

Je ne pu m’empêcher de sourire devant cette petite fille riant aux éclats après avoir risquer sa vie contre un monstre faisant dix fois sa taille. Je me relevais en m’appuyant sur mes mains, mon genou était encore un peu douloureux mais moins qu’auparavant. Je me tournais vers la ruelle et invitais Ayumi à reprendre la chasse, il était encore tôt et quelque chose me disait que la journée allait devenir encore plus mouvementée.

Je ne voulais pas nous faire surprendre comme avec la tortue, et pour cela je voulais que nous allions de nous même au devant des dangers.

La seconde rencontre arriva bien plus tôt que ce que j’espérais. Bien que faisant un maximum d’effort pour que ma partenaire ne remarqua pas mon boitement, je n’arrivais pas à le masquer totalement et je la soupçonnais de s’inquiéter pour ça. J’avais pensé que marcher un peu suffirait à dissiper cette gêne, malheureusement à peine avions nous fait trois pas que déjà nous apercevions trois bêtes sauvages. Visiblement l’arrivée de ma partenaire et moi avait interrompu une séance de repos et de jeu pour ces animaux. En les regardant de plus près, je ne sus mettre de mot sur la vraie nature de ces animaux. C’étaient des hybrides, un mélange entre loup et lapin. Et leurs yeux… rougeoyant, me donnaient la chair de poule. Ce sont des yeux qui habituellement les bambins confèrent aux démons sur leurs dessins fantastiques. Lorsque l’attention des trois bêtes fut complètement absorbé par notre présence, j’entendis ma partenaire me demandais s’ils comptaient se battre contre nous.

Visiblement elle ne savait pas trop elle non plus ce qu’était ces créatures, ni ne connaissait leurs véritables mœurs. Pour moi, cela semblait évident, aussi lui répondis-je d’un grognement, préférant économiser mes mots pour me préparer à l’arrivée imminente des trois adversaires. Le plus gros inconvénient était a priori leur surnombre. Contre une horde plus importante d’adversaires, il y avait plusieurs façons de mener la bataille. Ayumi était une combattante à distance, criblant ses adversaires de flèches, face à la tortue cela ne posait aucun problème, de par sa lourdeur et sa lenteur il était aisé pour elle de se tenir à distance, mais ici les « loupins » aller sans aucun doute essayer de nous contourner pour nous avoir par surprise. Moi, j’étais plutôt un combattant de mêlée, au corps à corps. Aussi il me semblait évident que cette fois ce serait moi qui devrait détourner leur attention d’Ayumi pour la tenir à l’écart du danger.Mais il restait toujours le problème du surnombre. S’ils avaient été deux, les garder tous dans le même champ de vision était délicat mais réalisable, tandis que là, s’ils avaient un minimum de ruse, ce dont je doutais a priori vu leurs activités à notre arrivée, et de synchronisation un d’entre eux serait toujours placé dans un angle mort prêt à nous bondir dessus.

La première chose que je fis, je plaçai une surcharge devant Ayumi, pour repousser l’éventuel assaut d’un des loups, puis je m’avançais d’un pas pour me trouver légèrement devant elle et attirer l’attention des loupins. Peut-être prirent-ils mon geste comme un signe d’agression car ils s’élancèrent soudain dans ma direction. La réaction de ma partenaire ne se fit pas attendre et deux traits partirent à quelques secondes d’intervalle en direction de deux d’entre eux. Le troisième rasait les murs à une vitesse folle, et lorsqu’il fut à portée me bondit dessus. J’étais en position de combat, le poing en avant, une jambe tendue vers l’arrière et l’autre fléchie supportait tout mon poids. La zone de pression variable que je formais devant mon poing était la même que si je m’apprêtais à utiliser la technique piston, et lorsque la bête y pénétra, l’élan de sa course entraina une rapide hausse de pression qui s’accompagna pour le loupin d’une soudaine chute de vitesse, et pour moi d’un jet de sa salive malodorante sur ma joue, et lorsque la pression fut suffisamment forte, l’immobilisa totalement tandis qu’il retombait sur le sol. Cependant avant qu’il ne retrouve la terre ferme sous ses pieds, je relâchais toute la pression, le repoussant ainsi de quelques mètres. Je continuais à avancer pour afficher clairement à ces bêtes que je serais un adversaire à abattre s’ils voulaient s’en prendre à Ayumi. Je lui jetais un coup d’œil et lui lançais :

Face à des adversaires plus nombreux, ma philosophie était de feinter, de faire croire à un débordement pour moi leur asséner un coup. Je préparais une surcharge à quelques pas dans mon dos tandis que j’attendais la riposte des loupins fermement planté sur mes pieds.

L’effet obtenu n’était pas du tout l’effet escompté, mais je ne pouvais que m’en réjouir. Le loup que j’avais repoussé avait en effet percuté un des loups qu’Ayumi avait blessé, et je pouvais les voir tous deux à terre, la langue pendante, inapte à se battre. Je profitais de ces quelques instants de répits pour essuyer la bave dont l’animal m’avait couvert. Je n’avais pas oublié la présence du troisième loupin pour autant, mais celui-ci avait été blessé par Ayumi au flanc, si bien que chacun de ses mouvements devait affreusement le faire souffrir. Je m’appliquais à essuyer la bave d’un revers de manche quand soudain un glapissement retint mon attention. Je levais mes yeux par-dessus mon coude lorsque je vis l’animal me contourner et s’élancer vers Ayumi. En tendant une main dans la direction de ma partenaire je l’appelais, j’essayais de m’élancer à la poursuite du monstre, mais ma cheville me faisait encore souffrir et me fit mettre un genou à terre. J’assistais impuissant à l’agression de ma partenaire par le dernier des loupins, blessé qui plus est.

Alors que je m’attendais à assister à une scène violente dont aurait pâtit ma partenaire pas spécialiste du tout dans le combat au corps à corps. Le loup lui sauta dessus tandis que je me mordais la lèvre de frustration. Quel genre de partenaire étais-je si j’étais incapable de lui venir en aide. J’entendis à peine l’incantation de la mage tant le sang battait fort à mes oreilles. Ma fureur contre moi-même fut instantanément dissipée par la surprenante magie de ma coéquipière. Sa flèche s’était comme entourée d’un gant de boxe en terre, puisqu’il s’agissait bien de ça, et avait frappé l’animal sous le menton alors que ses mâchoires étaient sur le point de se refermer sur le pâle cou de la mage de Fairy Tail. Encore toute tremblante d’émotion, ma partenaire contourna l’animal et vint me rejoindre. Les mots me manquaient quand elle s’assit à mon côté pour reprendre sa respiration. Je pouvais sentir le trouble dont elle était animée, et je commençais à me demander si l’assurance qu’elle avait acquise en s’équipant de sa tenue d’archère n’était pas … factice. En réalité je la soupçonnais d’avoir un dédoublement de personnalité et sous cette forte émotion elle était en conflit avec elle-même, mais je n’oserais jamais lui poser directement la question.

Alors que je regardais ma partenaire éreintée, les cheveux en désordre sur son visage, elle se releva péniblement sur les coudes et regarda en direction de la bête qu’elle avait abattue. Je suivais son regard et la vis bouger. D’une voix chargée d’anxiété, ma partenaire m’appela :

Je croisais son regard et j’y décelai un sentiment de confiance. Bien malgré moi cela me fit plaisir qu’elle n’hésita pas à s’en remettre à moi alors même que nous venions de nous rencontrer quelques heures plus tôt. De plus, je me réjouissais aussi qu’elle ait abandonné le suffixe « san » lorsqu’elle parlait de moi.

J’insistais bien sur ce dernier mot pour lui donner toute la profondeur dont je voulais l’habiter à ce moment là. Je me relevais et me tournais face à l’attaquant. Une légère tension me rappela la surcharge que j’avais placé au début du combat pour protéger ma partenaire justement, et je me maudis d’avoir laissé mes sentiments obstruer ma raison et m’avoir rendu impuissant alors que j’avais placé un piège en couverture. J’étais le seul à pouvoir distinguer nettement les contours de ma zone de pression. Elle était à égale distance entre le loupin et moi. Il fallait que je l’attire vers elle. Après avoir testé la solidité de ma cheville et l’avoir jugé apte à la course, j’attirais l’attention du monstre dans un cri sauvage et m’élançait vers lui. En guise de réponse, l’animal me chargeait d’un galop approximatif. Notre course effrénée pris lorsque nous nous rejoignîmes à hauteur de la surcharge. Je me jetais à terre tandis que l’animal n’était plus qu’à quelques mètres de moi et activais ma magie. Le souffle de l’explosion balaya les environs, me plaquant encore plus au sol, incapable de lever les yeux pour regarder ce qu’il advenait du loupin.

Lorsque la bourrasque fût finalement dissipée, je relevais la tête. Le loupin avait été soufflé et gisait désormais hors d’état de nuire à quelques pas. Plus par prudence que pour une autre raison, je me relevais entièrement et du bout de ma chaussure, je touchais le corps de l’animal. Aucune réaction, nous étions finalement sorti victorieux de cette rencontre. Un sourire se dessina sur le bord de mes lèvres. Un mouvement juste à côté de moi me fit tourner la tête. C’était Ayumi qui m’avait rejoins. Sa tenue vestimentaire me frappa immédiatement : elle avait à nouveau troqué sa tenue d’archère pour ses vêtements, les mêmes que ceux qu’elle portait quand nous nous étions rencontré quelques heures plus tôt. Devant mon air interrogatif, la jeune fille détourna le regard avant de se sentir obligée de me donner des explications d’une voix hésitante, chargée d’émotion et probablement de beaucoup de frustration.

Bien qu’elle n’osa me regarder yeux dans les yeux, je vis très bien que son teint s’empourpra de … honte ? Après quelques instants de silence, j’allais prendre la parole, pour essayer de la rassurer, mais elle me devança, décidée à tout m’expliquer en détail, faisant preuve de tout le courage dont elle était capable.

Ces propos m’intéressèrent particulièrement. La magie de cette jeune fille était … extraordinaire. Mes soupçons sur sa double personnalité s’en trouvèrent confirmés, mais qui aurait put s’attendre à ça ? Deux âmes dans le même corps… c’était stupéfiant. Peut-être était-ce dut au lourd poids du regard que je lui lançais, mais elle semblait de plus en plus male à l’aise. Je manquais à la politesse la plus élémentaire, mais j’étais hébétée par la surprise. Je ne savais trop quelle comportement adopter, ni même que lui répondre. Face à mon silence elle reprit alors la parole :

C’était donc ça qui la mettait mal à l’aise… Il me semblait que ces deux personnalités partageant le même corps et apparemment la même magie étaient radicalement différentes. Il y avait des détails qui m’échappaient encore cependant. Si Yggdrasil pouvait prendre la place d’Ayumi et remporter si facilement le festival, pourquoi y renoncer ? Il semblait aussi que la personnalité principale ne soit pas la personnalité que j’aurais qualifiée de dominatrice… Il me restait beaucoup de chose à éclaircir, ma tête regorgeait de question encore non formulée. Je n’eus cependant pas le temps de tout mettre en ordre que déjà Ayumi me fixait d’un regard luisant mais déterminé:

J’étais étonnamment surpris de la vigueur de cette demoiselle en ce qui concernait sa guilde. L’estime de cette jeune fille pour … un rassemblement de mage, c’est comme ça que je le voyais de mon point de vue, était démesuré. Je n’arrivais pas à m’ôter de la tête que son choix était purement égoïste et je m’en voulais de la juger ainsi étant moi-même inculte en la matière. Ce n’aurait pas été la première fois que mon jugement aurait été erroné. Quoiqu’il en soit après cette excès de passion, la jeune mage semblait épuisée…

Devant son sourire chargé de tellement de sentiments contradictoires, je perdis ne pouvais que m’incliner. Les milles et unes questions qui emplissaient ma tête passèrent au second plan. L’important était de lui rendre l’envie de se battre, nous n’étions qu’au commencement des 24 heures de chasse, et vu les monstres qui trainent dans ces rues, si nous restions ici à papoter plus longtemps, il n’était pas à exclure la possibilité que nous devenions les proies et eux les chasseurs. C’est en essayant de lui montre la meilleure image possible de moi, celle pleine d’assurance je lui dis :

Ainsi nous nous remîmes en route, plus déterminés que jamais.