Lors de sa première expérience en dehors de Fiore, au cours de laquelle elle fut quelque peu malmenée, Seiren avait remarqué que sa magie s’améliorait petit à petit d’elle-même. Certainement à force de l’utiliser. Il était vrai qu’elle avait enchaîné beaucoup de missions sans s’accorder de repos. La jeune femme décida alors de partir quelques jours loin de Magnoria. Ce prétexte en tête, à la guilde, on lui conseilla le Mont Yakobe où quelques onsen perdus en pleine montagne étaient réputés pour leurs bienfaits thérapeutiques et relaxants. Certes, elle en profiterait, mais elle voulait en priorité vérifier et tester ce qu’elle avait ressenti à Arbola. Et c’est ainsi qu’elle se mit en route de nuit pour arrivée au petit matin…

Un froid saisissant, des vents furieux balayant l’éclatante neige pour laisser apparaître la rudesse du relief de la montagne… Tel était le paysage qui défilait sous ses yeux.
Cette fois-ci, elle douta. Elle avait peut-être été présomptueuse en pensant pouvoir s’entraîner ici. Mais il n’était pas question de rebrousser chemin, pas après tout ce chemin. Elle allait devoir s’en accommoder. Seiren trouva une zone un peu plus abritée des vents, entourée de montagnes plus petites que les gigantesques et célèbres monts. C’est ici que tout aurait lieu.


Debout, yeux fixés dans le vide, paumes de mains vers le sol… Ne pas se laisser distraire par le cri cinglant du vent… Faire comme si il n’y avait rien autour, faire le vide, pour au contraire, mieux remarquer certaines choses, certains mouvements… Concentration. Concentration. À cet instant précis, sa vision du monde n’était fait que de courbes ondulantes. Chaque oscillation était perçue, ressentie comme un frisson encore plus saisissant et immédiatement situé dans l’espace avec elle pour épicentre… Enfin seulement jusqu’à une certaine distance. Environ 30… Non. 45 mètres tout autour d’elle. Plus, elle se focalisait, plus elle pouvait percevoir avec précision… De la neige tombant lourdement de la branche d’un arbre à sa droite… Une chute de quelques pierres derrière elle… Non un éboulement ! Seiren dût esquiver en activant sa technique de déplacement. Un vent un peu fort avait suffit à ébranler quelques pierres instables et une réaction en chaîne provoqua l’affaissement juste au-dessus de la jeune femme. Si elle n’avait pas cette technique de déplacement, elle n’aurait pas pu l’éviter à temps.
Avant qu’une chose bouge, elle avait remarqué qu'il y a comme une sorte d’oscillation réflexe autour de la masse. Mais cela requiert une grande quantité d’énergie de concentration et une perception affûtée pour ressentir cette oscillation. Et Seiren n’en était pas encore à ce stade. Elle percevait de mieux en mieux les mouvements certes, mais toujours pas assez tôt et toujours pas assez précisément. Et surtout, en situation de combat, cela lui prendrait trop de temps pour se concentrer à ce point-là. C’était irréaliste. Du coup, son instinct lui permettait en quelque sorte de réagir. Grâce à sa technique de déplacement à haute vitesse, elle pouvait compenser et sauver sa peau. Il ne lui manquait donc pas grand chose pour pouvoir anticiper et lire les mouvements. La jeune mage ne se rendait pas tout à fait compte qu’elle développait naturellement une nouvelle technique.

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Il fallait se mettre en situation, se mettre en danger. Toujours dans les airs, Seiren leva la tête et fixa la pointe de la petite montagne qui la surplombait. Elle plissa les yeux… Il n’y avait personne ici à part elle, la seule à prendre des risques et à en assumer les conséquences. En un glissement, elle se retrouva au sommet, le bras droit armé, prête à frapper.

« DENBA ~ RAITEI NO SEISAKU ! »

L’électricité des ondes qui l’entouraient se forma autour de son bras, s’y canalisant encore et encore, de plus en plus fortement, rendant visible l’énergie bleutée. Elle serra les dents comme si elle sentait les picotements électriques, mais elle força encore, manipulant encore un peu plus l’électricité… En l’hyperconcentrant… Avant le relâchement brutal lors de sa frappe. C’était seulement la deuxième fois qu’elle utilisait sa technique avec une telle intensité. La première étant à Bosco pour achever le serpent géant.
La vague d’énergie percuta le haut de la montagne. Seiren ne perdit pas une seconde et se déplaça immédiatement sur son flanc, au milieu de la pente, attendant… Se concentrant à nouveau… Non pas sur ce qu’elle pouvait voir- comme se contentait de faire tout le monde-, mais plutôt sur ce qu’elle pouvait lire des vibrations qu’elle percevait à travers tout son corps.

Seiren fronça les sourcils. C’était bien plus compliqué. Il y avait tellement de vibrations qui s’entrechoquaient. Le sol vibrait sous ses pieds, la neige du haut de la montagne arrivait sur elle dans un vrombissement accentué par la puissance des vents… Tout était très confus. Elle déglutit. Mais son objectif était là : trouver le meilleur passage pour remonter la montagne en utilisant le moins possible sa technique de déplacement. Et elle se mit à courir dans cette direction, à contre-sens du déchaînement qu’elle avait elle-même provoqué.
Pour l’instant, elle s’en sortait bien. Elle courait en zigzague, évitant les plus grosses vagues de neige, prenant appui sur les différents reliefs qui ressortaient encore du manteau blanc pour donner plus d’impulsion à sa course. Mais la jeune femme sentait que la violence de l’avalanche ne faisait que s’accentuer.

Les choses se corsaient. À plusieurs reprises, elle se fit emporter, redescendant à plusieurs dizaines de mètres. Elle accusait difficilement les coups de cette montagne. Et c’était sans compter le déboulement de pierres qui se mêlaient à la neige. Seiren se vit contrainte d’utiliser de nombreuses fois sa technique de rejet pour les dévier. Mais elle persistait et se relevait encore. Reprenant sa course effrénée. Mais la montagne était quand même petite et la pente relativement douce, l’avalanche allait donc bientôt se terminer. Il fallait qu’elle accélère. Mais au final, c’était trop tard. Elle se rendit compte trop tard qu’un bloc de roche s’était soudainement détaché sous le poids de la neige à quelques mètres au-dessus d’elle. À moitié ensevelie, elle relâcha ses techniques dans un dernier effort.

« HIKESTU !! KYAAA ! »

Le bloc dévié de sa descente, il s’envola au-dessus de la neige avant de s’échouer au sol plus bas. Seiren observait la fin du spectacle… Trempée, à bout de souffle et surtout depuis les airs. Elle n’avait pas atteint le sommet de la montagne, mais au lieu de cela, elle avait réussi, à activer presqu’en même temps sa technique de déplacement et sa technique de rejet. Enfin à 2 secondes près. Elle ne s’attendait pas à une telle progression dans une situation si critique, mais peut-être que c’était ce qu’il lui fallait. Elle était à deux doigts de pouvoir utiliser en même temps ses techniques de manipulations des ondes magnétiques et des ondes électriques. Mais, elle se trouvait déjà rapide et préférait se concentrer sur la lecture des ondes. De toute façon, tout était lié. Mieux elle contrôlait une technique et plus elle s’améliorait dans la maîtrise de ses autres techniques.

Avant de reprendre son entraînement, Seiren décida de se reposer quelques heures et de soigner ses écorchures à l’abri du vent qui semblait de toute façon s’être calmé. Elle s’hydrata et mangea, puis s’endormie de fatigue. À son réveil, il faisait nuit et le silence régnait. La lune brillait de sa douce lumière. Et aucun nuage ne lui faisait d’ombre. Et c’était d’ailleurs la cause de ce froid polaire, qui avait tiré la jeune femme de ses songes.
Juste le temps de remettre ses idées en place et elle trouva que la situation était peut-être très bonne pour s’y remettre maintenant. Seiren recommença alors le même rituel pour provoquer le déferlement de neige et de roches, puis pour esquiver et remonter la pente. Elle recommença même une troisième fois, sans se laisser abattre, même pas par une blessure à la tête. Comme si elle allait laisser ça se reproduire. Elle ne voulait pas fermer les yeux, préférant se forcer à ne pas faire attention à tous ces éléments visuels qui pouvaient la distraire et faire faiblir sa concentration. Concentrée, focalisée… Ressentir les vibrations, la moindre oscillation… Là ! Un rocher s’effondre ! Au tout dernier moment ! Elle put l’éviter et même prendre de l’élan pour s’appuyer sur celui-ci et dépasser, grâce un saut, un énorme glissement. Après cela, elle réussit à remonter plutôt facilement jusqu’à la pointe de la petite montagne. Elle n’utilisa que deux fois sa technique de rejet et n’eut pas besoin de sa technique de déplacement. Seiren avait réussi… À les lire… Lire les vibrations et les situer dans l’espace. C’était sa toute nouvelle technique Shindou no yokimono.

Le jour se levait quand elle termina son entraînement. Exténuée et à bout de forces, mais plutôt satisfaite d’elle. Ce n’était pas parfait. Toujours à réussir in extremis. Mais tant que ça ne concernait qu’elle, la jeune femme s’en accommoderait et ferait confiance à sa capacité d’adaptation pour s’améliorer petit à petit. Mais pour l’instant, tout ce qu’elle désirait, c’était reposer son corps douloureux dans un de ces fameux onsens. Seiren se disait que si elle continuait à « défier » et utiliser la nature pour ses entrainements, elle finirait par y laisser la vie. Est-ce que s’entraîner avec quelqu’un était une option à considérer ? pensa-t-elle, juste avant de trouver son havre de paix. Elle y élit domicile pour trois jours tout en oubliant sa propre interrogation. Elle dormit quasiment la moitié de son séjour et profita du reste pour se faire soigner et se relaxer. Encore une première fois dans la nouvelle vie de la jeune mage. Et pour être honnête, elle aimait cela. Les onsens et la nourriture. La seule chose qui la retenait encore un peu dans sa noirceur habituelle, c’était cette pensée… Qu’elle aurait préféré découvrir tout ça avec sa sœur Leira.
À son retour à Magnoria, Seiren découvrirait encore une nouvelle chose, postée précieusement à son attention : une invitation à une Omelette Party !