Le passé laissé derrière, les erreurs mises de côté, je voyageai la nuit en direction de l'Ouest. La nuit, les gens ne portent pas vraiment attention à l'individu que vous êtes physiquement. Portés principalement sur eux-mêmes, ils ne tiennent pas compte que vous êtes-là. Le seul moment où leur moindre regard est porté vers vous, c'est si une partie de votre corps entre en collision avec le sien. Leur alarme de détresse personnelle enclenchée, on vous soupçonne comme étant une menace potentiellement dangereuse. Les enfants sont tirés vers les parents, les couples se tiennent plus fort mutuellement, les personnes âgées marchent plus rapidement. Vous êtes un prédateur parmi la masse, un assassin de la nuit et rien ne peut vous empêcher d'emporter qui que ce soit dans la mort. Si vous êtes agressif, vous les ferez fuir, loin, les ferez craindre cette rue si achalandée. La peur des individus est si malléable, si prévisible. Le désavantage de cela, c'est de changer d'avis quand le processus est enclenché. La peur les habite, ils ne peuvent pas s'en défaire. Votre visage ne récoltera que frayeur et ce que vous venez de provoquer est irréversible.

En marchant dans le village d'Acalypha, chose que je n'avais jamais fait auparavant, j'espérais seulement me dégourdir les jambes. Cependant, alors que j'allais aboutir à une intersection, un individu au visage caché me bloqua la route. Les mains de chaque côté de mon corps, je restais silencieux. Son chandail épais était gris. Il était environ de la même grandeur que moi et sa voix me paraissait brouillée par quelque chose. Les mains dans les poches, il agissait pacifiquement, du moins, il ne montrait pas de signes agressifs. Le lampadaire qui éclairait cette section de ruelle s'éteignit en même temps que l'individu faisait un pas en avant. Il s'était avancé, mais garda une distance raisonnable entre nous deux pour ouvrir la bouche et expliquer la situation:

Le dernier mot prononcé, l'homme disparut et le lampadaire se ralluma. Je tenais dans mes mains un bout de papier déchiré qui contenait l'information dont j'avais de besoin. Je trouvais étrange que les détails donnés furent peu nombreux. Je ne connaissais pas la raison de ce vandalisme, mais cet homme en savait déjà beaucoup trop à mon sujet à mon goût pour le peu qui soit divulgué. Il en savait plus sur moi que moi j'en savais sur lui. Je trouvais cela inquiétant, mais si cela était le prix à payer pour faire partie de ces groupes, je n'avais pas le choix de m'exécuter. De ce que j'avais entendu de Silver Fang, on ne s'invitait pas, mais les invitations étaient lancées. Je supposais aussi que si celles-ci étaient refusées, l'invité devait être exécuté. Je ne vois pas pourquoi une Guilde qui servirait les intérêts du Conseil recruterait un homme tel que moi surtout avec une mission d'initiation pour commencer.

Je marchai donc en direction de cette fameuse demeure en m'assurant que je n'attirais l'attention de personne. Restant dans l'ombre et loin des regards, je me déplaçais furtivement jusqu'à la maison un peu plus grande que la moyenne du quartier. Je chiffonnai le papier qui contenait l'adresse, le mâchouillai et l'avalai. Je fis le tour de la maison et cherchai une fenêtre déverrouillée. Celle dont j'avais accès était située au premier étage. Il me fallut donc escalader un mur pour y accéder. La gouttière tint le coup et je pus accéder à l'étage sans bruit. Je fermai la fenêtre silencieusement au cas où quelqu'un était toujours dans la maison. Je ne voudrais tout de même pas alerter tout le voisinage. Je visitai les pièces les unes après les autres et constatai que la maison qui pouvait habiter une famille entière était vide. Je pouvais donc commencer à mettre en oeuvre le plan.

Mes cicatrices faites sur le long se détachèrent de ma peau et ensemble, formèrent un fil de fer barbelé vivant. J'avais vingt minutes à consacrer à ce massacre maisonier. Mon serpent de métal ravagea tout, de pièce en pièce, provoquant un vacarme impossible. Il fallait que le tout se termine rapidement avant que la sécurité n'intervienne. Mon fil se déplaça dans des mouvements circulaires rapides et violents, simulant une tornade passagère. La dernière pièce à saccager allait être celle qui causerait le plus de dommages financiers. Décorée de vases et de portrait de marbre, j'éprouvais un malin plaisir à tout détruire. Je me souvenais d'avoir été moi-même une statue de marbre vivante et ce, je l'avais regretté. Cela avait été une des raisons de mon exil et maintenant que je suis revenu, il fallait cesser de penser au passé qui ne me rejoignait pas et faire un pas vers l'avant. Je me jetai finalement par la fenêtre d'où j'étais entré. Mon fil me suivit jusqu'à l'extérieur. Une idée me vint en tête. Je me retournai vers la maison et contrôlai mon arme pour qu'il agisse comme une scie. Enfonçant ses crocs dans les murs, il se mit à tourner tout autour, réduisant les fondations à néant. La maison s'écroula graduellement, élevant un nuage de poussière qui me permit de m'enfuir en toute discrétion.

Mission accomplie, j'attendais la suite des événements. Cela prit quelques minutes avant qu'un morceau de papier vola jusqu'à moi. Je le pris à deux doigts et essayai de comprendre ce plan mal dessiné. Après l'avoir tourné à quelques reprises sur lui-même, je compris que c'était un plan de rendez-vous, donc la prochaine étape de l'initiation était de me rendre-là. Mémorisant le plan et l'emplacement de celui-ci, je l'avalai à son tour avant de courir sur la pointe des pieds vers la place en question. Une silhouette restait dans l'ombre, ce devait être l'homme qui m'attendait. Je marchai donc jusqu'à lui. Je ne pouvais pas dire grand chose sur l'individu mis à part qu'il était habillé de noir de la tête au pied, qu'il avait un visage relativement jeune avec une certaine maturité. Notre simple regard était suffisant pour comprendre que nous étions là pour les mêmes raisons. Il me tourna le dos en me faisant signe de le suivre. Nous tournions quelques coins de rue et il me faisait un signe vers un autre individu assis sur un banc. J'allai le voir et il me fit apparaître un tatouage caché par quelques de mes cicatrices. Il me fit signe de m'en aller et je rejoignis l'homme en noir à nouveau qui m'amena avec lui. Rapidement il s'écrasa dans un fauteuil, cocktail à la main, sourire en coin. Nous étions arrivés finalement à Silver Fang, finalement...