Solis s'avançait tranquilement dans la forêt. Jusqu'à présent, la mission s'était déroulée assez paisiblement. Une jeune fille des alentours s'était faite empoisonnée par un quelconque reptile, si bien que Solis avait pour mission d'aller chercher une petite fleur aux propriétés curatives, cachée dans la zone marécageuse centrale de la forêt. Une mission assez simple et banale en somme. Le poison ne pouvait être guérie que par cette fleur là précisément, mais son effet était très lent, si bien que le constellationniste n'était en réalité pas spécialement pressé. D'autant plus que la mission se déroulait jusqu'à présent très tranquilement. Aucune créature loufoque n'était venue essayer de le manger, aucun ermite se prenant pour une fougère carnivore n'avait essayé de l'attaquer, bref, une simple excursion en forêt. Au point qu'il finissait par se demander pourquoi on avait demandé un mage pour ce job.
Solis ne s'était jamais aventuré dans un marais. Oh, il avait lu des ouvrages dessus, sa faune, sa flore, son climat... Mais rien vu de concret. Aussi ne fut il pas déçu par sa première approche. Une grande étendue d'eau stagnante trouble, au milieu de plantes coulantes, le tout noyé dans un épais brouillard, envahis d'insectes gros comme son poing. Considérant le fait qu'il était impossible de juger de la profondeur de l'eau, et encore moins de son contenu, il valait mieux rester sur la terre ferme. Une tâche malaisée. Les racines et lianes humides faisaient déraper le jeune homme, et les arbres noueux le maintenaient près du bord. La fleur qu'il cherchait, "Gloria Silvatica", devait pousser en bordure d'eau. Les villageois lui avaient expliqué qu'on trouvait souvent cette fleur près de sortes de cratères ronds, désèchés. Solis n'était pas certain de comprendre en quoi des cratères secs pouvaient avoir un effet sur la croissance des fleurs, mais après tout, il n'était pas botaniste...
Après avoir tourné en rond un certain temps, et constatant surtout qu'il ne mettait la main sur aucun cratère ou végétal guérisseur, Solis se résolut à la traversée du marais. Toujours peu convaincu par une brasse, il décida d'utiliser un moyen de transport moins conventionnel. Il avait à ce jour deux clés de déplacement. Auriga et Antlia. Auriga pouvait le téléporter sans problème sur des distances plus ou moins grandes. Mais sa mauvaise volonté le destinait aux situations d'extrème urgence. Là, il y a avait plus de chances que l'esprit refuse d'obéir, ou bien téléporte le jeune homme sous six mètres de vase. Restait Antlia. Transport plus lent, plus fragile, mais beaucoup, beaucoup plus sûr. Solis tendit la clé d'argent.
"Ouvre toi, porte de la mongolfière, Antlia!"- Spoiler:
Dans un carillon, l'esprit aux formes généreuses apparut. Elle avait vêtue une criante robe rouge aujourd'hui. Malgré son apparente masse, sa maîtrise de l'air et de la lévitation la faisait flotter délicatement, et elle ne s'en privait pas. Elle fonça sur le jeune homme, tentant de l'étouffer dans une étreinte.
"Alors, mon canard, ça fait si longtemps... Tata Antlia s'inquiétait pour toi! On va devoir revoir ton contrat, pour que tu sois obligé de m'appeler au moins une fois par jour...""Mon contrat? Mais... Mais..."Antlia avait tendance à déborder quelques peu du cadre de ses fonctions. Si Solis aimait chacun de ses esprits comme un membre de sa famille, il s'avèrait qu'Antlia jouait parfaitement le rôle de la tante ronde qu'on voit chaque week end et qui vient vous pincer la joue en gloussant. Attendrissante, attachante, mais un tantinet étouffante. Quand il eut enfin réussi à lui faire lacher prise, il put respirer à peu près normalement.
"Que veux tu mon petit chat?""J'aurais besoin de traverser le marais, tu peux créer une bulle de transport?""Mais oui mon bouchon! Ecarte toi juste, et laisse Tata faire!"Sa maîtrise de l'air s'étendait à tout les objets gonflés et gonflables, et entre autres, aux bulles. Antlia prit une grande inspiration, puis souffla, souffla, souffla encore, créant une bulle suffisement haute pour qu'un homme se tienne dedans. Solis entra doucement dans la bulle, sans crainte. La bulle était fragile, et il ne devait pas aller trop vite sous peine de la briser. Pour la navigation, Antlia la déplacerait, et Solis n'avait plus qu'à se laisser faire.
Antlia fila comme une grosse comète rouge, suivie de la bulle de transport. Ils flottaient au dessus du marais, suffisement haut pour ne pas risquer de surprises venant de l'eau, et suffisement bas pour voir à travers le nappe de brume. Après un petit quart d'heure de recherches, ils trouvèrent enfin ce qu'ils cherchaient. Un îlot dont le centre était bizarrement creusé et sec, avec au centre une série de brousailles posées sur de grosses pierres. Partout au bord, de petites fleurs mauves poussaient. Solis et Antlia se posèrent, et le jeune homme partit à la cueillette.
"Finalement, ce n'était pas bien dur...""Méfie toi mon bichon, il y a quelque chose de louche avec cette île..."Assez bêtement, elle devait avoir raison. Après tout, cela aurait été trop demander d'avoir une mission simple. Occupé à reconnaître lesquelles des fleurs étaient les bonnes, Solis ne remarqua pas l'ondulation dans l'eau.
"C'est étrange, on dirait... Un nid. Mais au nom du Roi des esprits, qu'est ce qui peut bien faire un nid de cette taille?"Un énorme serpent jaillit hors de l'eau en sifflant furieusement. Solis déglutit.
"Oups"La bête releva le cou, sifflant de plus belle. Sa tête était à peu près aussi grosse qu'un homme adulte bien bâti. En résumé, très, très grosse. Et visiblement, le reptile appréciait peu qu'un mage et une grosse dame viennent flotter et patauger dans son nid.
"Bubble Fury!"Antlia expédia une série de bulles sur le museau de la bête. L'esprit de la mongolfière n'avait que peu de pouvoirs offensifs en eux même. Les bulles provoquaient une mini explosion en heurtant leur cible, mais servirait juste à le distraire. Elle gonfla vite une bulle de transport pour le retour. Solis empocha la poignée de fleurs qu'il avait trouvé, puis entra dans la bulle. Ils décollèrent rapidement, et fuirent, espérant que le serpent les laisserait si ils quittaient son nid. Bien entendu, la rancunière créature décida de leur donner la chasse. Antlia tentait tant que possible de la ralentir avec divers tours de bulles, mais ne semblait guère efficace.
"Bubble Vortex!"Un geyser mousseux jaillit de l'eau du marais sous le serpent. Il siffla de rage, et chargea encore plus rapidement. Lorsqu'il fut assez près, il pivota sur lui même, donnant un grand coup de queue. La bulle de transport éclata, et Solis et Antlia furant éjectés sur la terre.
"Désolée mon chou, Tata va devoir rendre ses escarpins..."L'esprit se dissipa. Solis se releva tant bien que mal, et courut à travers bois. A sa grande déception, le reptile ne ralentit pas à l'approche de la terre ferme, et continua sa course poursuite. Solis tenta d'attraper ses clés, et dans la précipitation, les fit tomber. Il ne lui restait que Pyxis en main.
"Et zut!"Il lui restait donc une fée hyperactive qui indiquait le nord pour combattre un serpent géant. Génial. La bête se rapprochait dangeureusement, jusqu'à tenter un coup de crochets. La tête plongea, crocs tendus vers le jeune homme, qui se jeta sur le côté dans un creux sous les racines d'un arbre. Le serpent siffla, puis entreprit de détruire l'arbre. Solis se reculait autant qu'il pouvait. Il ne lui restait qu'une clé, totalement inutile. C'était la fin. Il n'avait pas eu le temps de faire son testament... Il adressa aussi une petite malédiction à l'intention des villageois qui l'avaient envoyé ici en se gardant bien de lui dire pour les serpents. En voulant s'assoir plus confortablement avant de mourir, Solis retira un objet métallique du sol. Planté dans la boue, il émettait une vibration familière. Pris d'un espoir, le jeune homme le déterra, puis essaya de le nettoyer comme il put. Une clé. Une clé d'argent. Une clé des constellations. Il avait sa chance. L'emblème était celui du phénix. Une clé qui n'évoquait rien dans l'esprit du jeune homme. Mais quel que soit l'esprit, il ne pourrait que servir. Depuis son trou, Solis tendit la clé vers l'extérieur.
"Je suis la voie qui mène au monde des esprits. Entend mon appel et passe la porte, Phoenix!"Un sonnement de cloche fit apparaître... Aquila. Ou pas exactement. L'esprit qui lui faisait face ressemblait énormément à l'esprit de l'aigle. Mais il semblait plus paisible, et était vêtu différement. Le serpent s'arrêta pour fixer le nouveau venu.
- Spoiler:
"Comment puis je vous combler maître?""Primo, on dit Solis, pas maître, secondo, on va attendre un peu pour le contrat, tertio, explose moi ce gros sac à main""Je suis navré, mais je refuse.""Quoi?"Le serpent frappa, mais Phoenix s'était envolé.
"Je refuse de blesser une créature vivante.""Mais... C'est moi qui vais être blessé si il continue!""J'ai dédié ma vie à l'art du soin et de la guérison. Je ne souhaites pas répendre les plaies et l'affliction."Solis soupira. Un esprit pratique, mais si peu commode... Les soigneurs étaient des mages très utiles. Mais un excès d'altruisme n'avait jamais fait du bien à personne.
"Contente toi de le ramener à son nid alors... Et tu peux repartir ensuite, on signera le contrat plus tard...""A vos ordres, Solis"Phoenix embrasa ses ailes, puis passa quelques fois sous le nez du serpent pour l'exciter. Puis il partit en volant en direction inverse. Lorsque le reptile fut suffisement éloigné, Solis sortit de son trou, et attendit qu'il sente le lien qu'il avait avec Phoenix se rompre, signe que l'esprit avait regagné son plan, pour lancer une autre invocation.
"Ouvre toi, porte de la boussole, Pyxis!""Yata!"- Spoiler:
Pas tout à fait au point comme image, elle est pas dorée, mais l'idée est là
La petite fée dorée apparut. Survitaminée, elle se mit à voleter en tout sens en babillant à toute vitesse.
"Ouah! C'est ça un marais? La classe!C'est drôle comme arbre ça... Tu as vu cette branche? Ce fruit est tout mou...""Stop! Je veux juste retrouver mes autres clés, puis rentrer... On papotera en chemin si tu y tiens.""Oki doki!"La fée médita un instant, puis partit comme une flèche. Pyxis pouvait retrouver les objets perdus, les lieux... Une véritable bénédiction. Solis retrouva son trousseau dans un buisson broyé par le passage du serpent. Pyxis le ramena ensuite au village en babillant joyeusement. Elle avait un effet euphorisant pour les nerfs.
Une fois arrivé, Solis put remettre les fleurs de soin. Armé de toutes leurs dents, les villageois lui demandèrent si la cueillette s'était bien passée. D'un sourire non moins faux, Solis assura que oui. Au moins n'avait il pas tout perdu. Au prix de sa crédulité et de son altruisme, il avait gagné une clé.