Coralie regardait autour d'elle, déroutée. Du blanc partout, rien que du blanc, à perte de vue, sans nulle trace d'ombre ou de relief quelconque. Où était-elle tombée ? Cet espace immense, qui s'étendait sans fin, sans limite, était pourtant plus oppressant qu'une salle minuscule dans laquelle elle aurait été enfermée. Pas de son, rien à regarder, nulle odeur, même ses pieds ne semblaient être en contact avec rien -pourtant, elle pouvait marcher ! Y avait-il seulement de l'air ici ? Ou rien que du vide ?
Hésitante, elle fit un pas, puis deux. Cette sensation étrange de ne marcher sur rien la perturbait. Elle essaya de se concentrer sur autre chose, mais il n'y avait rien pour permettre à son esprit de se raccrocher. Tous ses sens étaient en déroute, et ses pensées en faisaient les frais.
*Ce n'est pas possible... Il faut pourtant que je fasse quelque chose, sinon ce vide va me rendre folle... Allez Coralie, calme-toi, respire un bon coup, et avance. Tu vas bien tomber sur quelque chose... Enfin j'espère...*
Elle fit encore quelque pas, en se cramponnant à cette pensée, cet espoir de trouver quelque chose. Quoi, elle ne savait pas, mais quelque chose. N'importe quoi qui lui permettrait de briser ce vide, ce rien qui l'entourait.
Soudain, elle eut la sensation de ne plus se trouver dans le vide. Elle s'immobilisa et attendit. Une surface dure sous ses pieds avait apparu, elle la sentait clairement. Dans le doute, elle s'agenouilla et toucha le sol de la main. Oui, maintenant elle marchait sur quelque chose ! C'était déjà ça... Elle tendit les bras, avança les mains, et elle finit ainsi par effleurer du doigt la surface lisse et glacée d'un mur blanc. Sauvée ! Elle se releva, soulagée qu'il n'y ait plus de "rien". Elle était dans un couloir, visiblement. Mais où s'arrêtait-il ? Y avait-il une porte de sortie quelque part ? Elle avança encore, méfiante, mais sa curiosité commençant à reprendre le dessus.
Tout à coup, un bruit derrière elle la fit se retourner d'un bond. C'était le premier son qu'elle entendait depuis qu'elle était arrivée là, aussi fut elle surprise plus que nécessaire. Elle ouvrit de grands yeux interloqués. Une cabine de verre ? Elle semblait remplie de monde. Elle fronça les sourcils en distinguant des silhouettes familières, et étouffa un cri en reconnaissant...
*Loki ! Gray ! Natsu ! Mes parents ! Et il y en encore d'autres ! Mais qu'est-ce que cela signifie ? Qu'est-ce qu'ils fabriquent ici ??*
Elle ouvrit la bouche pour parler, mais sentit le sang déserter son visage et un frisson glacé lui courir dans le dos lorsqu'elle vit leur regard... Trop différents de leur regard habituel... Ils semblaient la regarder avec toute la malveillance du monde, un sourire carnassier et pervers déformait leurs bouches. Ils ne disaient mot, mais leurs yeux dévoilaient leur âme, et elle y lisait clairement le regret, la rancune, le mépris... Et même la haine.
- Tout le monde...
Elle avait voulu parler, mais les mots étaient restés coincés dans sa gorge, et seul un murmure quasi-inintelligible était sorti de sa bouche. Tétanisée, elle porta une main à son cou, comme si ce geste allait débloquer les paroles qui y restaient enfermées, menaçant de pourrir, de s'infecter, et finalement la tuer. Les personnes à l'intérieur de la cabine de verre semblaient guetter le moindre de ses gestes, le moindre souffle avec une avidité qui la mettait mal à l'aise. Brusquement, la cabine se mit en mouvement, fonçant droit sur elle. Coralie, terrifiée, se donna une gifle en pensée et détala à toutes jambes, poursuivie par cette chose. Des voix lui parvenaient à mesure que la cabine se rapprochait d'elle.
Parents Steinherz : Comment peux tu nous quitter encore une fois ?
Gray Fullbuster : Traîtresse , Lâcheuse , Tu sers vraiment à rien ...
Natsu Dragneel : Tu ne sais que fuir ... Tu n'étais vraiment pas digne de Fairy Tail
Loke : Pars ... Te voir me rend malade ...
Elle aurait voulu se boucher les oreilles, mais sa course folle l'en empêchait. Elle serra les dents et endura ces reproches -qu'elle avait déjà si souvent entendu en rêve, ou même en vrai- jusqu'à ce que le bloc s'arrête. Epuisée, elle leva la tête et vit un énorme coeur taillé dans la pierre. Ce coeur la représentait-elle ? Steinherz, coeur de pierre... Oui, probablement.
" MEURS ! MEURS ! MEURS ! MEURS ! MEURS ! "
*TAISEZ-VOUS ! ARRETEZ !*
Les ombres dans la cabine n'entendirent pas ses pensées, et même s'ils avaient pu, il y avait peu de chances pour qu'ils aient obéi à sa requête. Elle sentait des larmes de honte lui monter aux yeux tandis que le sentiment de culpabilité qui la rongeait montait, montait... Hagarde, elle tressaillit lorsque devant elle apparut...
Un sosie d'elle même.
Réplique de Coralie : Le coeur de pierre s'effritera ici-même ... Mourrez ici , Fuyez la vie comme vous fuyez vos amis ... Vous n'êtes pas digne de vivre ici ... La pierre est un minéral qui ne vit pas, qui reste a contempler le monde, qui porte les marques de la honte ... Devenez pierre ... Contemplez le monde que vous fuyez, pour l'éternité.
C'était son visage, son corps, sa voix, son regard même... Qu'est-ce que c'était, cette chose qui s'adressait à elle ? Sa conscience ? Incapable de bouger, elle vit son sosie lever un revolver vers elle... Son revolver... Elle allait tirer, c'était certain... Le doigt de la réplique appuyait déjà sur la gâchette...
D'un bond, elle évita la balle. Mue par un ressort, elle avait esquivé, sans savoir ce qu'il se passait, comme dirigée par un instinct. Lorsqu'elle reprit ses esprits, elle comprit que c'étaient ses instincts lupins qui avaient réagi, un instinct de survie inébranlable et des réflexes à toute épreuve. Coralie regarda sa main qui tremblait. Le loup qui sommeillait en elle ne demandait qu'à sortir, pour se défendre et contre-attaquer.
*Ne pas mourir... Ne pas mourir ici... Même si le monde entier veut ta mort, ne pas mourir ici... Ne pas mourir...*
Cette litanie lui tournait dans la tête à chaque fois qu'elle était en danger de mort, comme si la louve qu'elle était représentait sa volonté de vivre et l'exhortait à se battre. Derrière elle, les "MEURS MEURS MEURS" retentissaient toujours. Elle se retourna et croisa le regard de Loki, puis de Natsu, et de ses autres camarades de Fairy Tail.
Non. Ce n'étaient pas leurs regards. Quand elle leur avait annoncé sa décision, elle avait craint de voir ces regards-là. Mais elle ne les avait pas vus. Parce qu'ils ne les avait pas eu. Elle avait vu du regret, de la tristesse, de la colère... Mais jamais, au grand jamais du mépris ou de la haine. Parce que les liens qui les unissait est, ou était, plus fort que ça. Jamais ils ne k'avaient détestée, même quand elle était partie ! Et ses parents... Tout ce qu'ils voyaient en elle, c'était une fille à marier. Elle se souciait peu de leur regard, comme ils se souciaient peu du sien. Coralie serra les poings et se tourna vers son double, animée d'une flamme nouvelle, et se releva pour lui faire face.
- C'est vrai... J'ai quitté Fairy Tail sans rien expliquer à personne... Je passe peut-être pour une traîtresse aux yeux de ceux qui me sont chers... Mais c'était pour les protéger, et même s'ils l'ignorent... Ils s'en doutent, inconsciemment... Ils savent que je ne suis pas une criminelle, ils savent aussi combien je les aime ! Et s'ils ne le savent pas encore, je le leur dirai ! Et pour ça, je dois VIVRE !
Elle bondit en avant et se jeta sur son double. En un instant, elle s'était transformée en louve, et ses instincts bestiaux prirent immédiatement les commandes. Ses griffes s'escrimaient sur son sosie, des crocs se plantaient dans sa fausse chair, et tentait de l'immobiliser en pensant sur elle de tout son poids. Soumise à la menace, le double ne tarda pas non plus à se métamorphoser, mais la fureur de Coralie fit la différence. Les deux louves luttaient, chacune tentant d'avoir le dessus sur l'autre. C'était une bataille sauvage, et Coralie savait que si elle relâchait ses efforts un seul instant, elle était fichue. Elle avait déjà plusieurs morsures et écorchures, mais son adversaire était en plus sale état qu'elle, et elle avait toujours le dessus. Elle était tellement furieuse de s'être fait avoir...
Finalement, elle mordit violemment son adversaire au cou et l'envoya balancer en déployant toute la force de sa mâchoire. Profitant du fait que l'autre était à terre, elle redevint humaine, dégaina son revolver et vida son chargeur sans même prendre le temps de respirer. Pas le temps, il fallait faire vite, très vite. Sur les dix balles qu'elle tira, sept atteignirent leur cible, et elle entendit un gémissement d'agonie. Tremblante, elle abaissa son arme et se laissa tomber à genoux. Elle l'avait eue ? Elle contempla ses bras griffés, sentait la brûlure des égratignures sur son visage et des crocs qui s'étaient plantés dans sa jambe. Elle s'évanouit...
Quand elle se réveilla, elle perçut des bruits de parole indistincts. Sa vue était floue, mais elle se précisa au bout de secondes qui lui parurent interminables.
-Elle se réveille ! Cora-chan ! Cora-chan, tu m'entends ?
Incrédule et incapable de réagir, elle regardait le visage tourmenté de Bob, le maître de Blue Pegasus, ainsi que quelques uns de ses compagnons qui l'observaient, visiblement inquiets pour elle.
- Tu es blessée ! Mais avec qui t'es-tu battue comme ça ? Tu es toute écorchée ! Mon Dieu, on t'a même mordue ?? Ne t'en fais pas, j'ai appelé un médecin, on va te soigner...
Elle était de retour dans le vrai monde ? Mais que s'était-il passé ? Elle ne comprenait toujours ce qui lui était arrivée mais, épuisée, elle sombra de nouveau, soulagée de s'en être sortie...