Elle avait tendance à situer sa naissance le jour de ses 14 ans. Quand elle ouvrit les yeux, déjà jeune femme, elle n’avait plus aucun souvenir de son passé. Ses sens s’ouvrirent au monde patiemment – plongée dans le noir elle n’avait aucune idée de l’endroit où elle était concrètement. Elle restait calme, détendue, car n’ayant pas de souvenirs de la vie, elle n’en avait pas non plus de tout ce qui pouvait faire peur. Elle se trouvait dans le laboratoire d’un scientifique. Il lui rendit visite quelques temps, effectuant des manipulations sur son corps alors que son regard à elle restait voilé, cachant tout ce qui se tramait aux alentours. L’homme lui parlait, et elle aimait presque entendre sa voix, même si elle ne le comprenait pas toujours. Il ne dit rien sur elle et elle ne posa aucune question, peu intriguée par ce qu’elle était vraiment. L’homme lia son corps à une machine humanoïde qu’elle-seule pouvait contrôler à distance, il semblait fier de sa trouvaille et donc elle ressentit une douce émotion elle-aussi, peut-être de la joie. Un jour, le laboratoire fut secoué par un tremblement de terre, et une brèche dans un mur lui offrit la vue d’un paysage magnifique : une longue plaine avec, à l’horizon, de majestueuses montagnes. Elle s’en alla seule avec la machine, le scientifique trop occupé à régler les autres soucis qui venaient de survenir.
Elle fut recueillie par un chasseur qui lui fit son éducation sans réellement lui poser de questions. Il savait qu’elle avait un passé mais comprenait qu’elle ne voulait ou ne pouvait en parler. Il lui demanda son nom et elle ne répondit pas, encore incapable de le trouver. Il se décida de la nommer Uzume, le temps que sa mémoire lui revienne. Elle ne parla jamais du scientifique ni du laboratoire. L’homme faisait sembler de ne pas voir la machine humanoïde inanimée qu’Uzume avait amenée avec elle. Ils vécurent dans un certain silence tacite, et quand Uzume fut prête à affronter la vie réelle, elle s’en alla.
Elle arriva à Crocus et rencontra un mécanicien, M. Tanaka, et lui présenta la machine humanoïde. Celle-ci ressemblait à Uzume, et Uzume pouvait, en s’endormant, faire vivre la machine comme si elle était elle-même dans le corps du robot. Le mécanicien était émerveillé par ce travail, et étudia longuement sous les yeux intrigués de la jeune fille ses mécanismes internes. Avec le temps, la fille devint l’apprentie de l’artisan, travaillant dans sa boutique le jour et la nuit, se penchant avec lui sur le corps artificiel. M. Tanaka se décida d’adopter la jeune Uzume qui avait toujours vu en lui un père. Le mécanicien avait un style de vie facile ; il souriait sans cesse aux clients et aux simples passants, s’inquiétait de leurs soucis et se démenait pour les régler. Jamais il ne se mettait en colère, ni montrait quelconque violence. C’était un homme simple mais bon qui devint un véritable modèle pour Uzume.
A ses 18 ans, elle consentit enfin à lui raconter toute la vérité sur ce qu’elle se souvenait de son passé, de ses quatorze ans jusqu’à ces jours. Emu, le mécanicien ressentit une légère rage envers le scientifique qui lui séquestré sa fille. Uzume lui confia alors son désir jusqu’alors silencieux de découvrir ses origines, et l’homme ne pouvait pas ne pas comprendre la jeune femme qui avait quatorze années de sa vie éteintes. Elle quitta donc son père à ses 19 ans pour commencer ses recherches. Même si elle n’était pas magicienne, elle intégra la guilde de Continuum Shift en rencontrant le Master Hazama Handover qui lui fit profiter de son vaste réseau d’informations. Uzume, rassemblant les indices, retrouva alors la vérité.
Elle s’appelait Hanayo et avait vécu dans un simple village à l’ouest de Fiore avec sa grande sœur Rose. Elle était heureuse mais un jour, des envoyés du Conseil Magique abusèrent de sa grande sœur. Quand celle-ci menaça de les dénoncer, ils la tuèrent sous les yeux de la petite sœur. Celle-ci s’enfuit avant que les hommes ne l’attrapèrent. Désespérée, totalement chamboulée par le meurtre de sa dernière parente, la jeune fille fut enrôlée dans un réseau criminel et grandit au milieu de mercenaires sans scrupules. Elle n’avait pas de buts, ni d’objectifs ; sa vie était muette de désirs et d’émotions. Elle ne souhaitait seulement que retrouver les trois violeurs et assassins de sa sœur pour se venger. Côtoyant les bas-quartiers des villes, elle fut lors d’une querelle entre des gangs capturée puis vendue à un homme discret, un scientifique. Celui-ci lui promit qu’il prendrait soin d’elle, et lui administra un traitement si inhumain que toute sa mémoire en fut altérée. Elle venait de terminer sa treizième année.
Le retour de tous ces affreux souvenirs détruisit complètement toute faculté de raisonner de la jeune Uzume. Guidée par une rage dévastatrice, reprenant sa quête de vengeance, elle commença à s’en prendre à n’importe qui et n’importe quoi qui se mettait sur le chemin la séparant de ses trois cibles. Elle fut contactée par un réseau criminel, qui lui permit de toucher presque à son but, mais un magicien du Conseil Magique, un étranger aux cheveux blancs, la stoppa et elle se retrouva en prison. Sa rage ne se calma que quand cet étranger qui l’avait placée derrière les barreaux lui apporta un dossier qu’il avait lui-même constitué, un dossier d’accusation envers les trois hommes du Conseil qu’il avait retrouvé et qu’il avait placé en prison pour leurs actes cachés. L’homme avait agi au nom de la justice, plein d’humilité pour Uzume qu’il ne voyait pas comme une folle mais comme une fleur aux pétales mortes. Ce regard sincèrement pieux qu’il lui adressait en lui présentait ses excuses au nom du Conseil Magique pour ce qui était arrivé à sa sœur rappela à la fille sa sœur, le chasseur et son père, qui tous trois l’avaient hébergée, l’avaient éduquée, l’avaient rendu bonne. Toute sa rancœur se dissipa, et elle accepta de purger sa peine comme il se devait avant de pouvoir sortir de prison et – enfin – commencer à réellement vivre sa vie.
Se montrant docile dès le début de son emprisonnement, son caractère de prisonnière exemplaire lui valut la confiance de l’administration pénitentiaire, si bien qu’au bout de trois années d’enfermement, on lui proposa de partir en mission humanitaire à Desierto – elle restait une prisonnière de Fiore, elle serait toujours placée sous la surveillance des gardes, mais elle irait là-bas pour aider d’autres peuples plutôt que de rester inactive en prison. Ce n’était pas du travail forcé, elle avait la possibilité de refuser, mais elle accepta de bon cœur à l’idée de faire quelque chose de concret. Elle fut alors conduite avec quelques autres prisonniers à l’étranger, au milieu du désert, dans un village qui avait été détruit par une attaque de brigands. La population locale était misérable et la mort traversait les ruelles en emportant tout sur son passage. Les prisonniers, quelques citoyens volontaires des pays voisins et les habitants des lieux s’allièrent tous ensemble pour reconstruire la ville et lui redonner vie. Quand les soucis les plus urgents furent réglés, l’ambiance générale devint paisible malgré la quantité de travail que chacun devait fournir. La distinction entre prisonniers et citoyens s’effaça presque et les gardes devinrent plus laxistes avec leurs pénitents. Uzume n’avait jamais songé à fuir, même si à certaines occasion elle aurait pu le faire, et les autres prisonniers ne le firent pas non plus, s’étant habitués à la vie dans les lieux. Elle se fit des amis parmi les hommes, femmes et enfants qu’elle rencontrait. Elle découvrit leur mode de vie et l’histoire de leur civilisation avec un intérêt certain. Quand les derniers travaux furent terminés, au bout de trois ans, la mission humanitaire toucha à sa fin et les prisonniers, gardes et volontaires durent quitter tous les villageois. On apprit aux prisonniers qu’ils étaient libre, que cette mission et leur comportement faisait qu’on leur accorda leur liberté. Certains choisirent de rester sur place. Uzume hésita longuement, mais une entrevue avec la doyenne du village la convainquit de retourner en Fiore. La vieille dame lui expliqua qu’il était difficile de quitter ses racines et qu’il fallait, un jour où l’autre, retourner à la maison. Uzume se souvint de son père qu’elle n’avait pas vu depuis des années, et comprit qu’il fallait qu’elle le revoie avant de décider réellement ce qui était bon pour elle.
Elle revint en Fiore, libre de ses chaines, fraiche d’une toute nouvelle vie, et arriva finalement à Crocus. L’enseigne du magasin de son père n’était plus là, et elle apprit sa mort lors d’un cambriolage d’un groupe de mages six mois plus tôt. Elle fut triste, bien sûr, mais fit son deuil rapidement. Pouvait-elle retourner à Desierto avec ses amis maintenant que ses racines de Fiore étaient toute rompues ? Non. Un jour, alors qu’elle était accroupie devant la tombe de son paternel, elle déposa une Rose sur la pierre et lui confia qu’elle ne pourrait quitter ce pays sans avoir offert toute l’aide qu’elle le pouvait. Elle réfléchit longtemps à ce qu’elle pouvait faire, et décida finalement à postuler pour le Conseil Magique de Fiore. Elle avait appris quelques bases rudimentaires d’une magie exotique de Desierto, et désirait s’en servir pour faire le bien, aider un peu Fiore, accomplir sa mission là où il le fallait. Malgré son passé criminel, les circonstances atténuantes du fait du meurtre de sa sœur et de sa mission humanitaire de quasi-rédemption fit qu’on l’accepta finalement dans les rangs du Conseil Magique.

à venir.

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