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L'ombre des mots [MISSION]
 MessageSujet: L'ombre des mots [MISSION]   L'ombre des mots [MISSION] EmptyMer 28 Jan - 21:04

Abigail Phoibos
Abigail Phoibos

Indépendant Légal

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DISTORSION CEREBRALE




L’ombre des mots surgit du fond des temps comme un trou noir dissimulé, de l’encre acide lancée à la jetée sur une page manuscrite et ancienne. Dont le sceau de sang fait luire la lignée Phoibos dans une lumière tamisée, dans l’ombre des mots, l’idée d’un piège avait immergé dans l’enfer de son encéphale, rongée par la curiosité. Abigail n’avait pas de famille – elle avait péri dans l’incendie qui faisait si peur, qui inspirait la terreur, qui prenait forme dès lors que ses paupières se scellaient. Abigail était morte avec eux, ensevelie dans un linceul de neige en attendant qu’on lui ôte son âme, que la faucheuse l’emporte, mais celle-ci n’était jamais venue. Sûrement qu’elle l’avait un peu oublié.

Pourtant aujourd’hui, la lettre avait franchi les portes de Pegasus comme un fantôme venant secouer tous les meubles de sa tête. Créer une avalanche de souvenir qui avait éteint la lumière de ses iris.
Aujourd’hui ce qu’elle avait pensé mort, venait de prendre la forme d’une brume opaque. Quelque chose s’était levée dans les ombres ; quelque chose savait qui était Abigail, ce qu’elle était devenue. Quelque chose souhaitait la rencontrer – et perdue dans les entrailles d’une ruine labourée par le temps, ce quelque chose lui avait donné rendez-vous.

Abigail avait quitté Isaiah. Un garçon qui s’était perdu lui aussi dans le temps, coincé dans des mystères qu’on ne peut deviner. Isaiah était sûrement un des mystères, l’un des plus beaux qu’elle avait rencontré. Il était comme ces brumes qui enveloppent les forêts humides au teinte d’émeraude. Isaiah était sûrement un mystère – mais ses sourires n’étaient pas falsifiés, pas truqués quand il lui avait parlé. Isaiah, elle l’avait apprécié, ça avait germé dans son cœur comme une évidence : il y a de ces personnes avec qui l’on partage des liens forts dès le début, Isaiah était l’un d’eux.

Abigail avait marché, bientôt la vue des villes firent place à des pics retroussés auréolés par les effleurements tendres du soleil. Alors qu’elle affrontait la neige, elle aperçut un bas d’un pic, un temple rouge ocre, rongeait par le temps, mais qui surplombait la vallée. Le soleil se mourrait entre les montagnes, faisant jaillir un crépuscule aux allures sanguinaires. Un crépuscule qui aurait pu être beau, et qui reflétait l’ancienne beauté du temple, rongé par la neige, le temps et la mort. Les portes s’élevaient comme celles des enfers, dans les teintes vertes et dont les poignées étaient noires et rongées par la glace.

Abigail tenta de l’ouvrir – mais la porte ne cédait pas. Comme si elle cachait au fond de ses entrailles des secrets qui ne devraient pas être éveillés, mais à jamais endormis. Elle tenta de manœuvrer la poignée de la porte, en vain. Alors, elle recula de plusieurs pas pour prendre de l’élan et embrassa le bois avec son épaule. Plusieurs tentatives qui échouèrent, ses yeux balayèrent la porte du regard pour élaborer une solution. Son pied se posa sur la porte, sa magie s’activa en un souffle violent, faisant valser la neige un peu plus loin. De légères gouttes de sueurs perlèrent sur son visage – elle força le passage et s’appuya de tout son poids. Quelque chose céda à l’intérieur de la bâtisse et la porte s’ouvrit.

Un souffle de poussière, comme un vomissement, lui hurla au visage comme un avertissement farouche. Son entrée dans le hall fut saluée par l’écho de ses pas – elle découvrit une grande salle vide et un escalier qui menait à l’étage du dessus. Les bruits ténus, retenus comme des fauves en cages, l’odeur et la consistance de ce temple oublié rappelaient un gouffre secret dans lequel on avait jeté des mystères à l’intérieur, afin que l’obscurité les engloutissent et les portent en son sein dans le néant.

_ Il y a quelqu’un ?

Sa voix résonna comme une note humaine, emportée par un écho et s’écorcha contre les parois d’un mur miteux. Le silence la défiait avec un sourire narquois. Abigail aurait sûrement dû s’obliger à faire demi-tour, oublié l’ombre des mots de cette lettre qui surplombait ses pensées, s’accaparant chaque parcelles de son encéphale.
C’était devenu une obsession à régler. Elle ne voulait rien regretter.
Au lieu de faire demi-tour, elle dégaina sa dague et monta lentement les marches. L’assaut de la menace avait échouée – s’évaporant comme un maléfice.
En haut des escaliers, il y avait une porte. D’un violent coup de pied, elle céda et s’ouvrit sur une obscurité encore plus profonde. Un bureau miteux et poussiéreux siégeait au centre. Abigail sentit un tressaillement parcourir sa chair et la sonner que quelqu’un était à l’intérieur. Que dans l’ombre, on la guettait – comme si elle s’était jetée dans un piège qui s’était refermée sur elle.

_ … Tu es là.

Une ombre face au bureau – la voix résonna d’un ton qu’elle ne connaissait pas. Une voix d’homme ; sa silhouette se découpait dans l’obscurité. Sans hésiter, Abigail se glissa à l’intérieur de la salle et ferma la porte derrière elle.

_ Oui.
_ J’imagine que tu as beaucoup de questions ; je n’avais pas imaginé que tu serais aussi … rapide à te décider.
_ J’ai perdu six ans de ma vie sur une île. Je n’ai plus de problèmes sur la rapidité de mes décisions.

L’ombre sembla sourire dans les ténèbres – pourtant elle ne bougeait pas, complétement statique.

_ Qui vous êtes ?

_ Hm, je ne pense que tu aies besoin de savoir qui je suis, Abigail. Ce n’est pas ce qui est alarmant en soit.

_ Comment puis-je vous faire confiance, alors ?
_ Je ne te demande pas ta confiance.

Ca avait été sec et violent, aussi tranchant qu’une arme blanche.

_ Alors pourquoi m’avoir donné rendez-vous ici ?

_ Je voulais te voir de mes propres yeux, tu oscilles entre cette jeune fille et cette future femme. Dis-moi, Abigail, comment vont tes Erinyes ?

En y pensant, Abigail n’avait pas eu de nouvelles d’elles. Trop préoccupée par cette lettre qui lui avait balayé l’esprit. Elle déglutit, mal à l’aise. Il semblait connaître beaucoup de choses sur elle, une étendue de savoir qu’elle-même semblait ignorer sur sa propre personne. L’ombre daigna bouger et Abigail ébaucha un mouvement de recul. Les épaules de l’inconnu tressautèrent dans un rire moqueur.

_ Tu n’as pas confiance, dis-moi, Abigail. Pourtant, si tu savais tout ce que je savais sur toi.

_ Vos devinettes ne m’amusent pas. Si vous n’avez rien à me dire, alors je m’en vais. Je n’ai pas de temps à perdre.

Plus le temps, n’est-ce pas, Abigail ? Ce spectre est redoutable, elle le sait. Ce spectre va l’embrasser, lui faire perdre cet éclat de lumière qui brillait faiblement en elle.

_ Je t’ai fait venir parce que j’ai envie de voir de quelle étoffe sont fait les Phoibos. Cette lettre n’était qu’un vaste prétexte pour te faire venir ici, ma jolie.

Et un grondement fit trembler les murs, faisant tomber les quelques briques au sol dans une cacophonie stridente. Un bruit soudain, un frottement.

Le spectre à la voix sensuelle était parti, le tremblement s’était éteint.
L’angoisse d’Abigail fit une ascension en flèche, explosant dans son ventre comme un fruit pourri. Dévorait par les morsures de l’obscurité. L’ombre n’était plus là pourtant elle sentait ses yeux sur elle – Abigail était en danger. Ses sens étaient aussi aiguisés que les crocs d’un lion, elle posa sa main sur la poignée et l’ouvrit avant de se jeter à l’extérieur de la pièce pour s’expier hors de cette obscurité agressive. Son corps exhalait une effluve qui attirait l’ombre derrière son dos, elle la caressait de son souffle, qu’Abigail était incapable de voir.

D’un coup, la douleur d’un coup de poing vint déchirer ses veines et firent crier ses reins de douleurs. Comment avait-il pu être derrière elle ? Elle tenta de le chasser, et son ombre se dissipa à nouveau dans un ricanement hautain, amusé. Comme si en foulant l’entrée de ce temple maudit, elle avait réveillé les ombres qui s’étaient trouvés à l’intérieur.

_ Mégaira !
Mégaira ne répondait pas.
_ Tisiphone !
Tisiphone non plus.

Que se passait-il ? L’ombre apparût à nouveau face à elle, comme un masse noire – une immense gueule, prêt à la dévorer sur place ; alors qu’elle fonçait sur elle, Abigail bondit sur le côté pour l’esquiver et activa ses halos. L’ombre cria et se dissipa d’un seul coup, faisant résonner le plafond dans un bruit funeste.

Abigail passa par la rambarde, envoyant ses jambes dessus. Avant d’envoyer son épaule pour réceptionner sa chute en une roulade. Elle se redressa, les sens aux aguets. Ses mains dessinèrent une myriade de gestes gracieux pour faire naître un bouclier vert opaque en face d’elle, apportant de la lueur dans ces ténèbres frétillantes comme des asticots. L’ombre se transforma en homme, les lèvres d’Abigail s’ouvrirent de surprise et ses yeux explosèrent de douleur.

Impossible, ça ne peut pas être toi.

L’homme fondit sur elle, Abigail se débattit mollement, comme si le fait de reconnaître son visage avait détruit toute forme d’animosité en elle. Elle sentit sa jambe céder sous la douleur, ses côtes sifflaient dans une souffrance sourde et qui se répandait en elle comme un écho. Ses genoux chutèrent au sol, tête baissée.

_ Impossible…
_ Si, ça l’est, Abigail. Ca l’est.

Son menton fut capturé par l’index et le pouce de l’homme, dès que sa tête fut redressée, elle fut propulsée par une onde d’énergie noire et s’écroula contre un mur derrière elle, qui céda sous l’impact. Les épaules fumantes, le regard perdu entre la colère et les larmes. Abigail redressa les yeux vers cet homme devenu monstre.

_ Pourquoi toi… ?

Il eût un rictus arrogant en guise de réponse, alors qu’il allait frapper sur sa joue, Abigail para le coup grâce à son avant-bras. Son regard fusilla l’homme et des larmes de rage s’écoulèrent de ses iris comme des ruisseaux, elle s’appuya sur ses jambes et lui fonça dessus. Frappant ce qu’il y avait à frapper, leurs poings se heurtèrent dans une collision. Un souffle, une explosion qui souleva les dalles dévorées par le temps. Ils continuèrent à se battre, Abigail sentait son corps hurler de douleur. Alors qu’elle allait frapper à nouveau, son ennemi s’échappa et se positionna à l’étage. Bras croisés, il ne riait plus. Lui aussi, avait été pas mal amoché par les coups d’Abigail.

_ Toujours aussi forte. Je n’imaginais pas. Tu portes bien ton nom, Phoibos. Tu l’as toujours bien porté… J’étais amoureux de toi, tu sais ? J’étais amoureux de toi, et tu es partie comme une voleuse. Alors j’ai ruminé ma haine – j’ai essayé de ne plus penser à toi, de t’oublier parmi les souvenir. Mais tu revenais me hanter, chaque fois. Je te hais, maintenant, je me suis rangé du côté que j’ai jugé le meilleur pendant que toi tu pentaillais àl’aise dans ta putain de guilde. Abi, maintenant la seule chose que j’ai trouvé pour que tout ceci s’arrête, c’est de tuer.

_ Co...comment tu peux dire ça ?

Ses poings et ses jambes tremblèrent.

_ MARTH !

Un bruit assourdissant fit trembler les fondations du temple en décomposition. Tout se mit à trembler quand Abigail avait crié – tout. Une rosace émeraude s’esquissa sous ses pieds dans un cri de géant, comme si Atlas avait hurlé, comme si le fondateur du monde avait crié en écho pour accompagner Abigail dans sa douleur. Marth recula d’un pas, surprit. Tous les objets qui fondaient le temple se mirent à trembler, les armoires, les marches s’effondrèrent, les cailloux vibrèrent de peur. La rage d’Abigail venait d’éclore comme un fruit putride – et tout se déformait autour d’elle, se contorsionnait. La terre bougeait – et le temple se déchira en deux et les décombres volèrent de toute part, emprisonnant les deux âmes dans un puits sombre.

Abigail prit son élan et envoya son poing se massacrer contre la joue de Marth, elle sentit les os craquer sous la puissance du coup et il s’écrasa au loin. Un rocher trembla et l’écrasa dans un cri atroce. Abigail, ravagée par la douleur et la tristesse, explosa dans un chagrin haineux. Les pierres
tombaient et bâtissaient un tombeau.

Elle se laissa sombrer dans cette obscurité.
Elle abandonna l’espoir.
Parce que l’espoir est beaucoup plus douloureux – il vous arrache tout. Abigail s’était laissé choir, ses yeux se retournèrent, les ombres l’attendaient.
Elles se ruèrent sur elle.

   
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