Solis était assis dans le sable, attendant encore une fois que la lune se lève. Il regardait les derniers rayons de soleil étreindre la mer de pourpre. Faisait un moment qu'il n'était pas revenu à la mer. Pourtant c'était agréable. Le sable chaud gorgé de soleil, la mer caressante, le soleil brûlant, les vents marins... Et entre autres, Carina le tannait depuis un moment pour avoir un moment plage. Du coup elle était en train de gazouiller en faisant un château de sable. Il lui en fallait bien peu. Elle avait demandé si il pouvait ajouter ça à leur contrat, aller à la plage une fois par jour. Sauf qu'à moins de se mettre à la retraite et de se coincer ici, y avait peu de chances qu'il puisse tenir ses engagements. Du coup, il lui avait acheté un seau et une pelle. Et elle se satisfaisait de ses pâtés. Elle est belle la vie des fois.
Solis posa ses bibelots un peu spéciaux devant lui. Le pomander de l'Impur. Et l'armille de la Murmurante. Pris comme ça, c'était juste de beaux objets forgés, très innocents. Mais le sceau doré dessus rappelait que c'était là des objets maudits. Ensorcelés pour répandre les maléfices de leurs créateurs. Solis n'avait toujours pas mis la main sur le « troublant troubadour ». Il n'avait eu aucune info à la guilde sur le dépositaire de l'annonce. Apparemment, la mission serait juste apparue sans que personne ne le remarque. Cela avait copieusement agacé Obaba, qui du coup voyait un de ses membres faire des missions gratis. Mais mieux valait ça que de les laisser tout détruire. Du coup, il se sentait de plus en plus pressé. Pressé que chaque pleine lune arrive. Pour rouvrir l'apocryphe, et s'instruire. Plus vite il accumulerait les compétences, mieux il pourrait vaincre les reliques des Bannis.
C'était drôle quelque part. Il avait ouvert le livre par hasard, et s'en était juste servi pour lui même, puis par accident pour sceller les premières reliques. Maintenant, c'était parce qu'il y avait les reliques qu'il avait besoin des compétences et voulait donc ouvrir le livre. Carina poussa un gazouillis sonore en terminant son château. Ah ça, c'était la reine de la plage, une vraie merveille. Utilité zéro, mais il était très beau.
Je vais dans l'eau !Elle fila comme un éclair se jeter à l'eau, et se dandinait en jouant ses divers instruments de musique pour jouer. Solis fixait les dernières lueurs du jour. Quand le soleil serait entièrement couché, la lumière de la lune prendrait le pas, et le grimoire serait descellé. Occupé à regarder le pourpre du crépuscule, il ne remarqua la grosse vague qui lui fonçait dessus qu'au dernier moment. Dans un cri paniqué, il se jeta sur le côté, pour éviter de mouiller ses affaires.
Oups, désolée !Mouaif. Elle espérait surtout qu'une fois trempé il irait dans l'eau. Il avait juste mis un short de bain pour ne pas attirer l'attention des gens. Et profiter de la chaleur du soleil couchant. Mais il n'avait pas trop le temps de se mettre à l'eau. Le dernier rayon du jour quitta enfin la ligne d'horizon. Très beau accessoirement. Ce dernier rayon frôlant la terre et la mer. Au fur et à mesure que la lune apparaissait, le grimoire rayonnait en réponse. Carina semblait essayer de communiquer avec un dauphin. Au moins était elle occupée.
Solis ouvrit l'apocryphe des Bannis. A l'intérieur, le livre se chargeait encore en magie. Baigné dans le sang des étoiles, ses pages se couvraient de la fine écriture d'un être passé lorsqu'il se trouvait sous la lueur de la lune. Il racontait chaque histoire des treize Apôtres, qui furent tour à tour vaincus et enchaînés par les dieux. Pour le moment, Solis n'avait eu des informations que sur deux d'entre eux. Des êtres malheureux, corrompus par les ombres du monde, et qui avaient sombré dans les ténèbres, avant que les dieux ne les bannissent simplement. Les histoires du livre étaient dures à croire. Pourtant, l'existence des reliques, ainsi que la validité des sorts enseignés, n'étaient ils pas une preuve de la véracité de leur existence ? Des êtres aussi puissants avaient ils vraiment foulé le monde, avant d'être rejetés par des dieux inconnus ? Si les reliques disposaient vraiment d'un tel pouvoir... Mais comment croire qu'ils avaient existé sans laisser aucune trace ? La clé était dans l'ouvrage. Une fois qu'il se serait laissé lire.
Le jeune homme laissa les pages défiler sous ses doigts. L'apocryphe savait ce qu'il faisait. Il choisissait de lui les pages à présenter, et ce qu'il était utile de savoir à chaque instant. Et il ne se laissait absolument pas faire autrement. Une preuve de plus que l'ouvrage était magique, ou était ce juste une maturation du lecteur ? Solis repassa sur le chapitre dédié à l'Impur. Il tomba également sur la Murmurante. Vers la fin, il tomba sur des calligraphies des reliques. Et visiblement, il était loin d'avoir fini, il y avait là des objets étranges, des anneaux, des couronnes... Urk. M'enfin c'était pas ce qu'il cherchait pour le coup. Il retourna les pages dans l'autre sens, et celles ci s'arrêtèrent tout naturellement sur un chapitre nouveau. Le livre faisait comme s'il avait été ouvert trop longtemps à cette page précise, et qu'il ne pouvait pas faire autrement que de s'ouvrir là. Mais le jeune homme pensait que c'était là la façon du livre de communiquer. De lui dire que c'était de ça qu'il avait besoin. Ou plutôt que s'il allait voir ailleurs, il se prendrait un vent monumental. On était donc parti pour le troisième apôtre... Près du tiers du coup.
Caprico le Colérique
Le jeune mage entama sa lecture. Le Colérique était à l'origine une création des dieux. En cela, il ressemblait un peu à l'Impur. Il était un féroce combattant, hideux, rapide, surpuissant, haï, dont le cœur surpassait celui des dragons. Il rendait son verdict sous la forme de la foudre du jugement. Il devait ainsi servir de héraut contre les assauts démoniaques, et malfaisant. Pendant longtemps, il s'acquitta de sa tâche avec humilité et dévotion. Cependant, en ces créatures malfaisantes, il commença à voir sa propre image, lui qui était si monstrueux. Et sa force le désignait comme bien supérieur. La frustration et la vanité l'envahit progressivement. Et la soif de pouvoir le subjugua. Au lieu de combattre ces monstres, il en fit son armée, sa légion. Il se plaça comme roi des démons. Puis il lança un assaut contre ses créateurs. Appuyé de ses troupes démoniaques, et de son orgueil, il était persuadé de vaincre. Mais il s'était laissé aveugler. Avoir rassemblé les rejetons de l'ombre en une seule armée permit au dieux de les détruire d'une seule fois. Quand au Colérique, il fut enchaîné et banni dans les abysses, pour expier sa trahison et sa faute...
Solis releva les yeux, et regarda Carina jouer de la flûte en dansant sur les typhons. Le Colérique était radicalement différent des Apôtres décrits auparavant. Les deux précédents n'avaient été que des victimes. Des êtres broyés par le destin. Lui... Il avait choisi son sort, il s'était lancé corps et âme dans les ténèbres. Il avait embrassé l'orgueil et la vanité. Et avait été châtié en conséquent. Le jeune homme referma l'ouvrage contre son cœur. Si les autres avaient un fond de bonté, pouvait il faire confiance en la magie d'un être aussi mauvais ? Quelque part, il n'avait pas le choix, il le fallait pour les reliques. Mais... Pouvait il vraiment payer n'importe quel prix ? Il y avait une différence entre les beaux principes de sacrifice, ceux des imbéciles ou des désespérés, et le fait d'accomplir quelque chose...
Le jeune homme regarda Carina qui jouait dans l'eau. Pouvait il perdre son cœur si facilement ? Non, sans doute pas. Il n'était pas seul. Il y avait des gens autour, qui marchaient avec lui. Ceux de sa guilde. Ceux d'ailleurs, trouvés ici et là. Il y avait sa pléiade d'esprits, tous plus givrés et siphonnés les uns que les autres. Ils ne le laisseraient pas seul dans le noir. Jamais. Et quelque part... Le Colérique était il à ce point coupable ? Créé par les dieux comme un monstre, une machine à tuer... Pouvait il être responsable ? N'avait il pas juste comblé le vide de sa solitude ? Certesn cela n'excusait en rien ses fautes. Il était infiniment plus coupable que les deux autres Apôtres. Mais il n'était pas le seul responsable. Solis commençait à se poser des questions sur ces dieux, qui créaient à leur convenance des êtres, qui dirigeaient et bannissaient sans autre forme les êtres qui ne leur convenait pas. Peut être étaient ils les vrais coupables de l'histoire ? Il faudrait sans doute attendre encore... La découverte du Colérique prouvait que les Apôtres n'étaient pas tous si innocents que cela. Peut être que les dieux avaient une raison ? Un motif, ou bien y avait il encore une partie cachée de l'histoire...
Il rouvrit le livre qui se replaça de lui même à la dernière page consultée. Les pages suivantes étaient couvertes des symboles et calculs ignobles. L'auteur de l'apocryphe était non seulement bien informé sur les mythes, mais aussi un homme complètement timbré. La configuration était simplement celle du capricorne, en mettant huit étoiles à la bonne place. En l'occurrence, le symbole était si moche que c'était une vraie plaie. M'enfin... Et encore une fois, le sort était trop confus pour qu'on comprenne son exacte application. Raison aussi pour laquelle Solis n'essayait pas ça chez lui dans sa chambre. Mais dans un endroit désert. Large. Très large. Histoire d'avoir de la marge. Le jeune homme expira, puis conjura sa lumière. Huit globes de lumière parfaits vinrent rayonner en tournant autour de lui. De gestes rapides et précis, il les déplaça une à une, les fixant dans l'air avec son esprit. Les gestes n'étaient pas obligatoires pour sa manipulation. Mais il préférait les utiliser si possible, ça limitait les risques de déconcentration et d'accidents. Il laissait les étoiles rayonner un instant, sentant la configuration faire résonner leur pouvoir. Puis il libéra l'énergie.
Celestial Starsign, Caprico : Comet !Les étoiles se dissipèrent, se réincarnant en un tatouage noir au creux de son poignet gauche. Solis attendit, debout sur la plage. Carina faisait des vagues au loin... Et sinon, rien... Pour le coup... C'était assez décevant. Il ne se passait strictement rien. Solis voulut retourner vers ses affaires, quand il rata le sol. Sisi. Il rata le sol. Genre comme rater une marche. Son pied avait suivi en arrière sans s'arrêter. Auréolé de lumière de la tête aux pieds, il flottait tête en bas, à environ vingt centimètres du sol. Ah bah ça. C'était fin tiens. Le jeune homme tendit les bras pour tenter d'atteindre le sable, ce qui l'expédia plus loin en l'air. Tentant un moulinet pour se redresser avant de mourir tête en bas, il donna un coup de dos, et résultat parti en pirouettes en l'air. Au lieu de mourir d'un trop plein de sang dans la tête, il allait juste finir malade. Carina avait arrêté ses ploufs pour le regarder avec curiosité.
C'est joli, t'es tout jaune, mais par contre, la direction assistée, c'est pas gagné...Fais... moi... des...ceeeeeeendre !Roh... Ocean's Melody, venez mes cloches des algues !Sous l'impulsion du son de cloche, des algues sortirent de l'eau, tendant leurs limbes vers Solis. Dans un réflexe désespéré, il tendit les bras vers elles. Et c'est là qu'il trouva comment avancer. Il passa comme une fusée en criant, filant entre les algues tendues.
Fais gaffe, ton maillot va glisser!Tenant son short du coup, il ne put protéger son visage, et reçu de plein fouet ce que l'on appelle communément « un plat sonore et monumental entraînant une douleur aiguë ». En gros il s'éclata de tout son long sur la mer. Il flottait sur le ventre du coup, à demi sonné par l'impact.
Roh... ça doit faire mal...Brblll...Tentant vainement de remuer un muscle qui n'aurait pas été écrasé par le choc aquatique, il se remit à léviter. Il eut presque envie de pleurer à l'idée du risque de se reprendre un plat façon plaque de béton. Des algues vertes vinrent s'enrouler doucement autour de sa taille et de ses membres.
Vas y doucement, on va essayer de pas t'envoyer encore dans le décor...Merci Carina. Vraiment.Oh c'est juste que si tu te broies complètement, tu voudras plus jamais revenir près d'une plage, et ça m'arrange pas.Han... Autant pour la gentillesse spontanée... Il allait vraiment finir par croire que c'était quelque chose de complètement mort chez les gens... Et les esprits pour le coup. M'enfin...
Il tâcha de se déplacer doucement, gardant les algues comme une ligne de sécurité. Outre le fait qu'il avait du mal à régler sa vitesse, les virages étaient plus durs à prendre. Bouger dans un espace à trois dimensions était plus difficile à gérer que de se déplacer sur le sol ferme. Il devait en plus gérer son altitude. Les mouvements étaient du à l'espèce de lumière qui l'entourait. Une étoile filante comme avait dit Carina. Du coup, la vitesse et la position étaient des éléments clés pour se diriger. Et sa vitesse dépendait des débordements d'énergie, et du placement qu'il leur donnait, une variation minime induisant un angle, lui même modifié en fonction de la position de son corps. Urf, c'était bien compliqué...
Il pouvait couper le sort temporairement, en annulant ses émissions magiques. Mais il restait là, gravé sur son poignet, bouillonnant d'être libéré. Il finit par couper définitivement le sort, en annulant son lien avec les étoiles qui concevaient la constellation. Le glyphe sur son poignet s'effaça, et le jeune homme se laissa juste flotter dans l'eau. Il se sentait fourbu. Pas temps de ses divers plats et chocs contre des cocotiers. Mais même en allant doucement, c'était éreintant... Et pas discret, m'enfin c'était pas bien grave de ce côté là.
Le Colérique qui de sa foudre châtiait le monde... On était loin du déplacement éclair quand même. D'autant que ce n'était même pas de la même nature... Mais l'idée était là. Restait à voir s'il saurait améliorer sa technique de vol et sa vitesse de pointe. Mais il avait du temps pour ça. Il pourrait déjà aller ranger des livres au sommet de son étagère, sans avoir besoin de chercher une échelle. Remarque, sortir des étoiles, puis les ajouter, puis voler, puis les dissiper... Erf, c'était tout aussi long...
Carina vint gazouiller à ses côtés.
Maintenant que tu as fini de faire n'importe quoi, on joue à la bataille d'eau ?Solis ouvrit un œil, cherchant à voir ce qu'elle entendait exactement par là. C'est quand il vit l'énorme vague foncer vers lui qu'il saisit. Et zut.