Solis resserrait les bandages autour de ses mains. Les infusions dans lesquelles Crater les avait mis à tremper ne feraient plus effet très longtemps. Depuis quelques temps déjà, ses mains l'avaient démangé, voire brûlé à certaines occasions. Mais quelque part, ne l'avait elles pas toujours fait? Toujours depuis qu'il avait développé la capacité à concevoir des étoiles. Une espèce de chaleur sourde qui faisait briller ses paumes et qui le brûlait lentement. Parfois même jusqu'à déclencher des formations involontaires, et en général par conséquent, une explosion de ladite étoile sortie dans un espace non prévu pour ça. Comme sur l'épaule de quelqu'un qui sortait de l'hôpital qu'on tapotait chaleureusement.
Crater avait fini par lui confectionner des bandages anesthésiants, pour calmer la douleur et les émanations. Sauf que la chaleur faisait vite évaporer le liquide, et on était reparti pour un tour. Aussi, Solis avait demandé une permission pour se rendre la Grande Bibliothèque de Magie. La tour était célèbre pour son infinité d'ouvrages, qui disait on cachait toute la magie du monde en son sein. Solis espérait ardemment y trouver un remède, une solution, ou une incantation quelconque. Obaa sama avait fini par la lui donner, car il était plus ou moins incapable de se battre pour le moment. Jeter un sort lui arrachait les paumes, et faire éclater des étoiles involontairement dans tout les sens en mission était une idée discutable. Déjà qu'il n'avait pas besoin de ça pour que ça parte en cacahuète...
Il s'était donc rendu à pied là bas. Un tour immense. Mais l'intérieur le paraissait plus encore. Tout les murs étaient couverts de grimoires et de livres. Des petits comme le doigts, ou des grands comme un homme. Des très larges, ou plus fins qui ne semblaient contenir qu'une page. Des bleus des rouges des verts. Certains en cuir, d'autre sans reliures, d'autre qui semblaient même... respirer. Oui, cette tour pouvait sans doute contenir toute la magie du monde... Surtout qu'elle semblait aller aussi loin en profondeur qu'en hauteur. Le seul soucis... C'est qu'il faudrait une vie et demi pour la consulter. Et Solis était comme dirait limité sur son nombre de vie. Hanyah....
C'est moche et ça sent le moisi...Solis sursauta.
Milena! Je t'ai déjà dit de pas apparaître comme ça!La demoiselle sauta depuis son étagère, puis s'élança dans les allées en faisant l'avion. Peste! C'était mal parti pour la retrouver vu le dédale que c'était. Solis commença à errer dans les rayons. Mine de rien, ça restait lugubre comme promenade. Il faisait sombre entre les allées, et le moindre frottement était bizarrement accru et atténué à la fois, donnant lieu à une drôle d'ambiance sonore. Il vit soudain Milena passer dans une allée. Mais le temps qu'il arrive, la naine au chapeau avait filé. Flûte. D'autant que si elle lâchait les dragibus dans la bibliothèque... Ouik. Mieux valait la retrouver vite. Trèèèèèèès vite.
Eh le pas beau tout nul, viens voir!Une politesse exquise.... Scorgneupluf... Mais au moins, s'il mettait la main dessus.... Il finit par la trouver au fond d'une allée.
Bah t'as pris ton temps, ma cachette était nulle, et j'ai parlé....La renvoyer dans le monde spirituel avec un peu d'élan était une option, ou....?
Je veux ce livre là!Elle pointa un grimoire noir qui se trouvait à environ 8m du sol, sur une étagère.
Va chercher une échelle, et dépêche toi, je veux le lire.Et le jeune mage savait qu'elle ne le lâcherait pas tant qu'elle n'aurait pas le maudit bouquin... Tant pis... Si elle la bouclait après, et se tenait tranquille.... Il s'empara d'une des longues échelles, et la fit coulisser jusqu'au point l'intéressant. Puis il grimpa. Grimpa. Grimpa. Mine de rien, ça fait haut vu d'ici... Une chute serait sans doute atrocement douloureuse. Solis tendit la main vers le livre...
Bouuuuuuh, je te fais trembler.Solis sentit l'échelle remuer. Son doigt accrocha le coin du livre. Puis il bascula avec la moitié du rayon de livres. Rectification des données précédentes. Une chute ETAIT atrocement douloureuse.
Ah, j'ai failli attendre.Elle fouina dans la masse de livres explosés, avant de trouver le livre noir. Une reliure en cuir, assez banale.
C'est celui là que tu dois lire. Pas un autre.Pourquoi lui...?Parce que sinon, je boude. Et je fais sauter la bibliothèque. Et après, je ferais sauter la ville la plus proche. Et après, je rirais de toi en prison.D'accord, d'accord...Parce qu'elle le ferait. Vraiment. Le livre était assez banal en soi... Le genre de vieux bouquin sur lequel on ne s'arrête pas en passant. Solis l'ouvrit doucement, craignant d'effriter les pages. La première ne tenait que le titre. "L'apocryphe des bannis". Drôle de titre. Un apocryphe était un livre n'ayant aucune preuve si ses souvenirs étaient exactes. Est ce que c'était un recueil de contes, quelque chose du genre...? Cependant, le reste du livre était obscurément vierge. Rien. Sur aucune des pages. Revenant en arrière, Solis s'attarda un instant sur le titre. Y avait il un sens caché? Ses paumes commençaient à chauffer, il ne tiendrait pas des heures. Résolu à laisser tomber, il s'entailla le doigt sur la page en se laissant distraire. Le sang fut aussitôt absorbé par la page. Et la brûlure de ses mains reflua.
La page commença alors à s'écrire. Oui, à s'écrire. Des lignes s'inscrivaient lentement sur la première page.
Réveillé par le sang des étoiles, par celui baigné dans le propre sang maternel, l'apocryphe des bannis s'éveillera à la lueur de la lune à son zénith.Cette nuit, c'était la pleine lune. L'occasion où jamais? Et la douleur était partie... Peut être que le livre avait un traitement?
Solis rangea rapidement les ouvrages, puis fila avec le livre noir. Il n'était pas certain qu'il ait le droit de faire ça. Mais après tout, le grimoire avait été "réveillé", donc cela voulait dire que personne ne pouvait s'en servir avant, si...? Quoi que cela pouvait être un canular aussi... Il ne restait qu'à attendre et voir.
Le soleil se couchait, et la lune se levait doucement. Solis attendit toutefois que le dernier rayon de soleil passe. Puis il ouvrit l'apocryphe. Il ne se passa tout d'abord rien. Puis l'ouvrage sembla se charger tout doucement, jusqu'à émettre une lumière d'exacte même couleur et intensité. Des lettres noires d'une belle écriture italique se mirent à s'inscrire sur les pages, doucement, une à une.
L'apocryphe des bannis célèbre la noble caste des Bannis et des Proscrits, qui furent jadis jetés dans les abysses.L'ouvrage parlait de 13 êtres surnaturels, qui péchèrent et furent donc soumis à une pénitence éternelle. Ces treize apôtres incarnaient la malveillance et la destruction, et tous avaient plus ou moins tenté d'emporter le monde à une époque semblait il. A chaque fois vaincus, ils avaient été scellés dans les abysses. Depuis, ils avaient soit sombré dans la folie, soit tentaient toujours de ruiner le monde depuis leur prison invisible...
Et bien. C'était... spécial comme ouvrage. Très en adéquation avec la tenue de Milena. Tiens, d'ailleurs elle avait disparu celle là... Elle avait dû filer quand il avait le dos tourné. Le livre l'avait soulagé cependant. Solis se résolut à ouvrir une page au hasard. Il laissa défiler avant de l'arrêter quand une figure l'attira. C'était le début d'un chapitre. Sur celui dit "L'Impur". Charmant petit sobriquet... L'Impur était le scorpion. Jadis choisi pour sauver le monde de la ruine, il absorba tout le mal qui le hantait. Mais le monde était corrompu à tel point, que ce faisant, le bénéfique apôtre devint une créature souillée jusqu'au plus profond de son âme. L'Impur. Une créature toxique et néfaste. Pour sauver le monde, elle avait donc été bannie. Cependant, son existence était toujours. Celui qui avait ouvert l'apocryphe, pouvait comprendre sa nature profonde, et l'appeler par l'étoile.
L'ouvrage se perdait ensuite en allusions, et figures compliquées, des extraits de textes de nature changeante... Ces créatures maudites étaient donc toujours présentes magiquement...? Impossible, le Conseil aurait détruit de tels ouvrages de magie noire. D'un autre côté, ce n'était que les traces de leur pouvoir. Rien n'obligeait de tout utiliser... Juste ce qu'il fallait, et comme il fallait. La note suivante convainquit Solis d'essayer.
Le feu de l'âme sera apaisé par son usage dans la puissance des Anciens.Le seul problème était de comprendre la nature de l'apôtre... Qu'est ce que ça voulait dire? Il était de nature magique stellaire, et était lié à la figure du scorpion, donc peut être un rapport avec Scorpio? Mais ce n'était pas une clé que Solis possédait. Et appeler Aries n'avait rien changé à ses crises. Et même avec la figure, il ne savait pas quoi invoquer... Le scorpion était la figure de l'Impur, et de la toxine, de la malveillance, de la maladie... Glup. On allait essayer d'éviter de chercher de ce côté là... Un scorpion vivait dans le désert à la base... Du sable...? Solis feuilleta l'ouvrage rapidement. Il n'avait que jusqu'au lever du jour. Trois nuits, seulement par moi pour se laisser lire, ce bouquin était exigent...
Il finit par trouver ce qu'il cherchait. La figure nécessitait une incantation. La figure devait être correcte et reliée, puis le sort devait être lancé. Mais il nécessitait de comprendre ce qu'on faisait, et pourquoi. Le reste de la page était dans une sorte de gribouilli linguistique de babouin mandarin qui aurait tenté d'écrire avec des lettres cunéiformes. On ne parvenait à déchiffrer que quelques mots. "Danger". "Lieu clos". "Pou...". Du charabia. Puis, vers le milieu de page, un peu mieux, rédigé, Stardust. Poussière d'étoile. Peut être que c'était là du sable...? Si l'Impur n'avait VRAIMENT que du poison en stock, ça ne ferait rien de toutes façons.
Solis se leva, puis inspira. Il créa huit étoiles à la fois. Urf, c'était la première fois qu'il tentait une telle création de masse. La prochaine fois, il tenterait une figure plus simple... Mieux valait les fixer une à une. Certes, c'était long, mais au moins, ça limitait les erreurs. Au fur et à mesure qu'il plaçait les étoiles, Solis discerna un lien doré commencer à circuler entre elles. Quand il eut terminé, les étoiles ne semblaient être plus qu'une, un symbole de Scorpio. Maintenant, il allait falloir assurer. Et ne pas détruire le monde.
Celestial Starsign, Scorpio: Stardust!Le symbole s'illumina. Pitié, du sable. Du sable. Pas la fin du monde. Lady Luck s'était pas mal loupée dans sa vie, alors elle pouvait bien lui faire un schcrougnougnou pour une fois...?
Le symbole se dissipa tout bêtement. Sans rien. C'était... presque décevant. Certes, le monde était pas détruit, mais un fail pareil... Il n'avait donc VRAIMENT que du mal dans ce bouquin?! Solis nota la lueur qui émanait de son poignet. Dessus scintillait une nouveauté. Une sorte de tatouage du symbole du scorpion. Chouette, un sort de décalcomanie magique. En levant la main pour l'observer de plus près, le jeune homme sentit son énergie magique fuir. Comme s'il jetait un sort tout doucement en continue. Il leva l'autre main, même effet. Ah, il n'était plus étanche maintenant. Il avait été perforé par le scorpion, voilà. Joli sort.
En fait, c'était pas si faux que ça comme image. Même si ça se voyait peu sous la lune... Solis fuyait. Une fine poudre d'or se détachait de ses membres à chaque mouvement, flottant en suspension dans l'air... Le sable de l'Impur... ça marchait donc vraiment... Mais à part faire sympa en soirée, ça donnait quoi...? La poussière flottait, tombant doucement. Lorsqu'elle toucha l'herbe, celle ci rougeoya un instant, commençant à se consumer. Chaque particule était une sorte de braise stellaire. Tout ce qu'elle touchait était brûlé. Certes, elles étaient microscopiques, et inoffensives seules. Mais en nuage bien épais, ou dans une forêt... On allait avoir une fin du monde. Maudit apôtre. En plus cette plaie consommait de façon bien abusive. Impossible de remuer le nez sans faire tomber une pluie de poudre de fée. Qui consommait plein pot. En se concentrant, il pouvait en faire tomber jusqu'à avoir des particules épaisses comme un sable qui s'échappait d'entre ses mains, mais ça consommait encore plus, et ça coulait. Si Solis lui même n'était pas sujet à sa poussière, l'herbe autour n'avait pas l'air DU TOUT d'apprécier.
Restait à trouver comment couper cette bizarrerie... Car il y avait plusieurs bois à passer, et au possible, on allait éviter de laisser une trainée de buissons séchés derrière soi. Il fallait couper le lien avec le tatouage, source de la magie. En gesticulant, Solis sentait ses réserves plonger à pic, il allait vraiment falloir que ça cesse. Il finit par réussir à trouver le lien qui l'unissait à ses étoiles. Celles qui formaient le symbole... Autrement dit, il en était toujours dépendant... Elles n'avaient pas été "consumées" par le sort. Elles étaient devenues inutilisables après la fusion, mais existaient toujours. Ce qui signifiait aussi pas de nouvelles étoiles tant que le symbole serait maintenu... Zut. Le jeune homme souffla ses étoiles, annihilant du même coup le signe stellaire. La poussière se dissipa lentement.
Seigneur, il était sur les rotules. Un coup à bien cacher décidément... Bien que sûrement non mortel, ça restait potentiellement dangereux, et c'était un peu trop gourmand pour animer une soirée... Mais au moins, ses mains avaient repris leur teinte habituelle. Sûrement une overdose magique si on suivait la logique du sortilège. Il avait besoin d'évacuer un trop plein d'énergie stellaire, d'où les brûlures, jusqu'à utilisation d'un sort. Brillant.
Le grimoire se vida de son contenu lorsque la lumière de la lune cessa de le baigner. Il serait possible de le rouvrir demain soir, pour tenter de mieux comprendre le fonctionnement du Stardust. Mais après, il faudrait attendre un mois complet. On verrait à ce moment là...